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BARNES DJUNA (1892-1982)

Née à Corwall-on-Hudson dans l'État de New York, Djuna Barnes est un auteur d'avant-garde affilié au courant moderniste. Elle s'est essayée à tous les genres : journalisme, roman, nouvelle, poésie, théâtre, et a illustré elle-même certains de ses ouvrages. Elle a produit une œuvre expérimentale et subversive, affranchie des codes sociaux et littéraires de son époque. Enfin, Djuna Barnes a partagé sa vie entre l'Amérique et l'Europe. Son écriture est le reflet de cette double culture.

Une œuvre inclassable

Issue d'une famille non conformiste, Djuna Barnes étudie les beaux-arts à New York au début des années 1910 et entame une carrière de journaliste et d'artiste indépendante. D'emblée, elle se distingue par ses interviews pittoresques et ses croquis à la Beardsley, publiés dans divers périodiques. Elle devient très vite une figure incontournable de la bohème new-yorkaise, même si son premier ouvrage, The Book of Repulsive Women, qui paraît en 1915, passe inaperçu. Après un mariage raté, elle s'installe à Paris, seule, au début des années 1920. Elle y restera jusqu'en 1939. Elle fréquente alors le cercle des expatriés de la rive gauche et se lie d'amitié avec James Joyce (auquel elle voue une admiration sans bornes), T. S. Eliot, ou encore Samuel Beckett. On la retrouve parallèlement aux côtés de Sylvia Beach, Gertrude Stein et Nathalie Barney – des femmes avec un penchant non dissimulé pour le saphisme. C'est dans ce bouillonnement culturel teinté de frivolité qu'elle rencontre Thelma Wood, une sculptrice originaire du Missouri, dont elle partagera la vie pendant huit ans. Son roman le plus célèbre, Le Bois de la nuit, est directement inspiré de leur liaison. Mais avant même leur rupture en 1931, Djuna Barnes s'abîme dans l'alcool, ce qui lui vaudra, tout au long de sa vie, des séjours réguliers dans les hôpitaux de Paris, Londres ou New York. Après deux décennies passées en France et en Angleterre, elle repart pour les États-Unis au début des années 1940. Elle restera terrée dans son appartement de Greenwich Village jusqu'à la fin de ses jours, avec pour seul revenu les sommes que lui verse gracieusement son amie et mécène Peggy Guggenheim, et les annuités que lui rapporte la vente de ses manuscrits à l'université du Maryland.

Si les études féministes lui ont définitivement rendu ses lettres de noblesse, il n'en reste pas moins que Djuna Barnes fut un écrivain méconnu – reconnue par ses pairs, mais peu appréciée du grand public et boudée par la critique. Est-ce parce que son œuvre est, à l'image de sa personnalité, éclectique et iconoclaste ? L'œuvre de Djuna Barnes se caractérise en effet par le mélange généralisé des genres, des styles et des registres. Son premier roman, Ryder (1928), est une saga familiale grivoise sur fond de chronique élisabéthaine, et L'Almanach des dames (1928), décrit par son auteur comme une « mercuriale légèrement satirique », un pastiche érotique du milieu lesbien. Tragédie familiale inspirée de sa propre histoire, Antiphon (1958) se donne à lire comme un long poème dramatique et surréaliste en trois actes, aux résonances shakespeariennes. La dimension autobiographique de son œuvre a beau être manifeste, l'auteur ne se limite pas pour autant aux thèmes du lesbianisme ou de l'inceste. Son sujet de prédilection serait plutôt la damnation, et l'aliénation de la condition humaine, à l'échelle universelle. En effet, les personnages qu'elle campe sont le plus souvent en souffrance, rongés par des démons intérieurs ou aux prises avec un destin funeste. En filigrane se dessine une vision pessimiste de l'histoire.

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Écrit par

  • : docteur en littérature anglaise, maître de conférences à l'université de Paris-Dauphine

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