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CHOSTAKOVITCH DMITRI (1906-1975)

Sa vie a fait de Dmitri Chostakovitch le témoin de quelques-uns des événements les plus dramatiques de son siècle : la révolution de 1917, la Seconde Guerre mondiale, les répressions staliniennes et les espoirs de la déstalinisation. Déterminée par le devoir de s’adresser en premier lieu à son peuple, et à travers lui au monde entier, son œuvre monumentale, dominée par ses quinze symphonies et autant de quatuors à cordes, ses deux opéras et ses cycles vocaux, reflète toutes les aspirations et les désillusions qui furent celles de son pays. Son langage musical, d’une exceptionnelle capacité d’adaptation et de diversité, l’a fait passer d’un style radicalement avant-gardiste à une écriture plus aisée à appréhender, tout en conservant la signature qui marque ses œuvres les plus personnelles. À la suite de Bartók, du groupe des Six, de la nouvelle école viennoise, contemporain de Prokofiev, de Stravinski et de Messiaen, Chostakovitch s’est différencié d’eux en apportant à la musique du xxe siècle les accents que seul pouvait faire entendre un créateur vivant dans la contrainte.

La révolution dans la musique

Dmitri Chostakovitch est né le 25 septembre 1906 à Saint-Pétersbourg. Précocement doué, il fait ses études musicales entre 1919 et 1925 au conservatoire de sa ville natale dans la classe de Leonid Nikolaïev (piano) et de Maximilian Steinberg (composition). Son opus 1, un scherzo pour orchestre, date de 1919. Ses années de formation correspondent à celles de la NEP (Nouvelle Politique économique, instaurée par Lénine en 1921), qui est aussi une période d’ouverture aux apports occidentaux en matière d’innovation artistique.

Membre de l’Association pour la musique contemporaine, Chostakovitch adopte rapidement un langage personnel et avant-gardiste, qui s’affirme dans ses Symphonies no 1 et 2 op. 10 et op. 14 (1925 et 1927), sa Sonate no 1 op. 12, ses Aphorismes pour piano op. 13 (1926-1927), et plus encore dans son premier opéra Le Nez op. 15, d’après la nouvelle de Gogol (1928), dont il traduit pleinement la dimension grotesque et inquiétante. Il commence à composer pour le cinéma (musique pour La Nouvelle Babylone de Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg, op. 18, 1928-1929), pour le théâtre de Vsevolod Meyerhold (La Punaise de Maïakovski, op. 19, 1929) et pour le ballet (L’Âge d’or, op. 22, 1929).

Plein de foi dans le nouveau régime né de la révolution, Chostakovitch, révolutionnaire en musique, était en droit de se sentir appelé à en devenir le représentant musical. Son second opéra, Lady Macbeth de Mzensk, op. 29 (1932), d’après une nouvelle de Leskov inspirée d’un fait divers, se veut un hymne à la femme russe qui, bien que criminelle, s’élève au-dessus du milieu glauque des marchands de province par sa capacité à vivre un amour total. Mais, dès la fin des années 1930, le revirement antimoderniste stalinien prend corps. Toute musique trop radicalement novatrice se voit taxer de « formalisme » et de complaisance pour un style « bourgeois » et « décadent » considéré comme nuisible à l‘édification du peuple soviétique. Premier violent coup de semonce que subira Chostakovitch, l’article Un galimatias musical, publié dans la Pravda du 28 janvier 1936, stigmatise son opéra tant pour sa musique jugée inaudible que pour sa morale douteuse et pour une scène de sexe montrée trop explicitement. L’article, publié anonymement, reflétait le jugement personnel de Staline.

Avec sa Symphonie no 5 op. 47 (1937) « réponse d’un compositeur à de justes critiques », Chostakovitch déclare faire amende honorable, tout en procédant, en réalité, à de l’antiphrase musicale dans l’apothéose caricaturale de sa conclusion. La même année, il est nommé professeur au conservatoire de Leningrad. À cause de son âpreté et de son message trop manifestement pessimiste, la Symphonie[...]

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Écrit par

  • : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité

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Dmitri Chostakovitch, Mstislav Rostropovitch et Guennadi Rojdestenvski - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty

Dmitri Chostakovitch, Mstislav Rostropovitch et Guennadi Rojdestenvski

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