CHOSTAKOVITCH DMITRI (1906-1975)
Après Staline
L'année 1953 voit la disparition simultanée de Prokofiev et de Staline, morts tous deux le 5 mars. Elle est également marquée par une des symphonies les plus importantes de Chostakovitch, la Symphonie no 10 op. 93 ; son violent second mouvement Allegro serait une évocation de Staline, tandis que dans le suivant, Allegretto, apparaît un motif de quatre notes – ré, mi bémol, do, si – correspondant aux lettres DSCH en allemand, pour D.S. CHostakovitch. Ce sera désormais sa signature musicale, qui deviendra le leitmotiv de plusieurs œuvres. Durant ces années de relatif apaisement, Chostakovitch se voit décerner en 1954 le titre d’Artiste du peuple de l’URSS. Il compose la monumentale Symphonie no 11 op. 103 (1957), sous-titrée L’année 1905, allusion au « dimanche rouge » du 9 janvier et aux mouvements révolutionnaires. Par la suite, Chostakovitch déclara que l’œuvre s’appliquait aussi à un phénomène actuel, celui du peuple qui a perdu la foi. La partition cite plusieurs chants de bagnards russes, et des chants révolutionnaires célèbres, comme Vous êtes tombés victimes d’un combat fatal, Tremblez tyrans, et La Varsovienne. La période dite du dégel et la libéralisation apportée par Khrouchtchev inspirent une opéretteMoscou-Tcheriomouchki (traduit en français sous le titre Moscou-Quartier des Cerises) op. 105 (1958). La veine ironique se poursuit avec le cycle vocal des Satires op. 109 sur des poèmes de Sacha Tchiorny, défini comme « croquis du passé ». En 1959, son Concerto pour violoncelle no 1 op. 107 est écrit pour l’étoile montante de cet instrument, Mstislav Rostropovitch.
L’année 1960 est tout à la fois celle d’un voyage aux États-Unis dans le cadre d’une délégation consacrant la détente américano-soviétique, et de l’adhésion forcée de Chostakovitch au parti communiste de l’URSS, à une époque où un refus n’aurait plus comporté aucun risque pour lui. Il deviendra par la suite député du Soviet suprême, et signera les attaques officielles contre les dissidents, notamment l’académicien Andreï Sakharov. Cette même année est celle des Quatuors à cordes n° 7op. 108 et no8op. 110, un genre que Chostakovitch a pratiqué épisodiquement depuis 1938, mais auquel il reviendra de plus en plus régulièrement dans la dernière décennie de sa vie. Le Quatuor no 8, dédié « à la mémoire des victimes du fascisme et de la guerre », est fondé sur le motif DSCH et cite dans son quatrième mouvement un chant de bagnards, « Je dépéris en captivité », au terme duquel ces initiales réapparaissent, confirmant la dimension autobiographique de cette citation. Si la Symphonie no 12 op. 112 (1961) reprend lourdement la thématique des hommages à Lénine, en revanche, la Symphonie no 13 op. 113 (1962) fait entendre des accents nouveaux. Ce cycle de cinq chants pour basse solo, chœur de basses et orchestre, sur des poèmes d’ Evgueni Evtouchenko, commence par BabiYar, nom du lieu en Ukraine où fut découvert un charnier de Juifs massacrés par les nazis ; le quatrième chant, Les Terreurs,fait une allusion sans fard à un passé soviétique non totalement révolu, et le dernier, La Carrière, mentionnant Galilée, rend hommage à ceux qui ont le courage de leurs opinions. Là encore, la création de l’œuvre ne se fera pas sans remous. Cette même année 1962 voit aussi la reprise de l’opéra Lady Macbeth de Mzensk, rebaptisé Katerina Ismaïlova (op. 114) du nom de son héroïne, dans une version édulcorée tant dans sa musique que dans son texte et sa mise en scène. L’événement est salué par Evtouchenko dans un poème, Seconde Naissance.
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Écrit par
- André LISCHKE : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité
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