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CHOSTAKOVITCH DMITRI (1906-1975)

« Entre les notes »

En dépit des inégalités d’une production abondante et d’un recours complaisant à ce qu’on pourrait appeler une « langue de bois musicale », conséquence d’une maîtrise technique prodigieuse, Dmitri Chostakovitch reste l’un des compositeurs les plus marquants du xxe siècle et de ses tragédies planétaires. Son œuvre est dominée par le double corpus de ses quinze symphonies et de ses quinze quatuors à cordes, par ses deux opéras Le Nez et Lady Macbeth de Mzensk (cette dernière restituée dans sa version originale, enregistrée sous la direction de Rostropovitch, et désormais universellement adoptée), par ses six concertos, ses cycles vocaux et ses œuvres pianistiques. Il a écrit en outre une grande quantité de musiques de film et de scène, effectué des réorchestrations contestables de Boris Godounov et de La Khovantchina de Moussorgski, et a achevé l’opéra Le Violon de Rotschild, d’après Tchekhov, de son élève Benjamin Fleischmann, mort à la guerre.

Après avoir intégré au milieu des années 1920 l’apport de Stravinski, Prokofiev, Bartók, Berg, Schreker, le langage de Chostakovitch s’est par la suite recentré autour de plusieurs influences conjuguées, celles de Moussorgski et de Tchaïkovski pour les liens avec la tradition nationale, et celle de Mahler, une œuvre qu’il porta toute sa vie, et avec laquelle il partage un mélange de déchirement et de grotesque où la vulgarité peut intentionnellement trouver place.

Sa situation de compositeur emblématique de l’URSS a mis Chostakovitch dans un état de crainte perpétuelle de la répression pour manquement à la ligne idéologique, crainte attisée par les chocs d’Un galimatias musical en 1936 et du manifeste de Jdanov en 1948. Il s’est vu contraint à vivre dans un décalage constant entre ses déclarations officielles d’une parfaite orthodoxie sur le contenu de ses œuvres, et ce qu’il y exprimait réellement, « entre les notes ». Cinq ans après sa mort, la publication d’entretiens avec le musicologue Solomon Volkov, Témoignage, les mémoires de Dmitri Chostakovitch, malgré les contestations qu’ils ont suscitées quant à leur provenance réelle, lèvent le voile sur cet enfer de la dualité, totalement reconnu et confirmé depuis. Son refus de renier les idéaux auxquels il avait adhéré dans sa jeunesse, son adhésion à contrecœur au parti communiste, sa lucidité sur la réalité du régime soviétique et son empathie envers la souffrance humaine ont alimenté la désespérance dont sont empreintes les œuvres de ses dernières années.

— André LISCHKE

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Écrit par

  • : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité

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Dmitri Chostakovitch, Mstislav Rostropovitch et Guennadi Rojdestenvski - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty

Dmitri Chostakovitch, Mstislav Rostropovitch et Guennadi Rojdestenvski

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