DODES'KADEN, film de Akira Kurosawa
Des douze films réalisés par Akira Kurosawa (1910-1998) entre 1950 et 1965, presque tous avaient été des succès au box-office. Ils avaient même eu l'insigne honneur d'être plagiés, Les Sept Samouraïs (Shichinin no samurai, 1954) devenant Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven de John Sturges, 1960), et Le Garde du corps (Yojimbo, 1961), Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari de Sergio Leone, 1964). Mais, après Barberousse (Akahige, 1965), les budgets de Kurosawa deviennent trop élevés pour une industrie japonaise du cinéma en plein déclin. Sa participation à la réalisation de Tora ! Tora ! Tora ! (1970), de Richard Fleicher, ayant tourné à la catastrophe, la 20th Century Fox, productrice de ce blockbuster, l'accuse de « pousser le perfectionnisme jusqu'à la folie ». C'est « pour prouver qu'il n'était pas fou » que Kurosawa tourne, en quatre semaines et pour moins d'1 million de dollars, ce film intimiste, dans un décor de studio aux antipodes de l'esthétique alors dominante. Ce sera malgré tout le premier film du cinéaste à perdre de l'argent. Déprimé, il tente de se suicider en 1971 ; il guérira avec la réussite critique de son film suivant, Dersou Ouzala (1975).
La cour des Miracles à Tōkyō
La vie d'une petite communauté de marginaux, d'exclus et de déclassés, qui peuplent un bidonville, dans la banlieue d'une métropole. Deux hommes, ivres en permanence, échangent leurs épouses. Un homme élève comme siens les cinq enfants que sa femme a eus de pères différents. Un garçon un peu demeuré se prend pour un conducteur de tram et passe sa journée à faire des allers-retours en scandant « do-des-ka-den ». Un mendiant ne subsiste que de ce que rapporte son jeune fils, qu'il laisse cependant mourir d'empoisonnement, par négligence. Une jeune fille est violée par son oncle, qui prend la fuite lorsque, enceinte, elle commet un acte insensé en poignardant un jeune livreur de saké. Un homme, que sa femme a abandonné, est devenu une espèce de mort-vivant ; même le retour et le repentir de son épouse ne réussissent pas à le ressusciter. Un chœur – celui des femmes à la fontaine – et un vieux sage (M. Tanbo, qui prône l'humanité et la raison) commentent, chacun à sa façon, ce monde doucement insensé.
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Écrit par
- Jacques AUMONT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales
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