DOLCE STIL NOVO
Amour et poésie
À s'en tenir au jugement de Dante, la nouveauté du dolce stil novo réside tout entière dans la parfaite fidélité du langage poétique à la « dictée » de l'amour. Toute forme d'expression a priori, toute reconstruction systématique a posteriori semblent désormais répudiées. Ce qui est revendiqué, c'est donc l'immédiat, l'authenticité, l'effacement de l'invention rhétorique au profit de la perception instantanée du sentiment amoureux saisi par l'attention introspective et, en conséquence, la découverte d'un nouveau langage poétique pour signifier ce sentiment. On aperçoit la portée polémique de cette définition, qui revient à faire des anciens poètes toscans et siciliens des rhéteurs, des formalistes, des confectionneurs de vers aussi gauches et exempts de « douceur » qu'étrangers à la vérité amoureuse. Mais, envisagée dans sa signification positive, la définition du dolce stil novo donnée par Dante ne souligne pas seulement le prix de l'authenticité, de la fidélité envers le sentiment personnel ; en renvoyant à la chanson de la Vita nova, « Dames qui avez l'intelligence d'amour », elle sous-entend le programme auquel répondait ce poème, à savoir la concentration du lyrisme sur l'essence de l'amour, qui est l'admiration, sans cesse enrichie par la « cristallisation », pour la femme aimée, l'obsession dévotieuse, la « louange » où le poète trouve tout ensemble sa justification et sa joie.
Si Dante a voulu ramener à cela son dolce stil novo, conformément aux vues qu'il avait exposées naguère dans la prose de la Vita nova, ses vers « stilnovistes » et ceux des poètes contemporains engagés dans la même expérience laissent voir d'autres caractéristiques permettant de mieux esquisser la singularité du « doux style nouveau ». La philosophie morale professée par plusieurs de ces poètes semble faire fond, d'une part, sur la piété religieuse, de l'autre sur la contestation de la noblesse du sang à laquelle est opposée la noblesse du cœur, dont l'amour véritable est la pierre de touche. La coloration religieuse du dolce stil novo émane principalement du thème de la femme angélisée : pareille à un ange descendu sur la terre, la femme aimée, érigée en vivante image du Bien, devient une médiatrice entre l'homme et Dieu, et par là comme une « figure » de la Vierge. L'amour pour une telle créature ne rend pas seulement meilleur, il ouvre le chemin du ciel.
Quant à la mise en cause de la noblesse héréditaire, c'est le signe d'un esprit bourgeois, révélateur du mouvement qui, dans les grandes communes de Toscane, conduit alors à l'éviction politique des familles féodales par les hommes d'affaires et à la prépondérance culturelle de la bourgeoisie.
L'information philosophique des « stilnovistes » transparaît dans les notions, empruntées à la science scolastique, qui défilent dans leurs vers et concourent à la représentation de l'âme exaltée, parfois divisée, par la passion amoureuse : « intellect possible », « puissance » et « acte », « substance » et « accident », « esprits animaux », système psycho-physiologique des trois facultés, l'intellective, la sensitive, la végétative, etc. C'est au point qu'on reconnaît aisément chez Guido Cavalcanti, sur la seule foi de son œuvre lyrique, un adepte des averroïstes latins. Sa grande « chanson d'amour », qui commence par « Une dame me prie... », reste après des siècles d'exégèse, l'un des poèmes les plus difficiles de la littérature italienne. Au contraire de ce que Dante affirme dans la Vita nova, l'amour y apparaît comme indépendant de la raison, « accident » et non « substance », et ne pouvant vivre que de réciprocité. Plus qu'une illustration[...]
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Écrit par
- Paul RENUCCI : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Autres références
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BEMBO PIETRO (1474-1547)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Paul RENUCCI
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...néo-platonicien (M. Ficin), mais aussi des vues qui dérivent à la fois d'une certaine interprétation de la poésie de Pétrarque et de la spiritualité amoureuse du Dolce Stil Novo. Bembo ne s'y attarde pas moins, çà et là, à décrire avec complaisance les charmes du corps féminin. L'intérêt des Asolani... -
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Poète du dolce stil novo appelé par Dante « le premier de mes amis », Cavalcanti naît à Florence d'une noble famille guelfe. Il se mêle aux luttes politiques qui divisent alors la ville, prenant le parti des blancs ; il est exilé à Sarzana en 1300. Malade, on l'autorise à revenir à Florence où il...
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- Écrit par Paul RENUCCI
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...[qu'il dit] à la louange de [sa] dame ». Aussi prend-il le parti de se vouer à cette louange et inaugure-t-il, par la première chanson incluse dans la Vita nova (chap. xix),ce « doux style nouveau » qu'il revendiquera un jour comme point de départ de la poésie lyrique de toute sa génération. - Afficher les 9 références