DOLLAR
La question monétaire aux États-Unis suscite des débats intenses et contradictoires depuis la naissance même de cette nation. Peu de pays offrent d'ailleurs une telle diversité d'expériences monétaires et se montrent à ce point préoccupés, en permanence, de trouver une bonne constitution monétaire, un régime qui assure à la fois la stabilité des prix, la sécurité des paiements et la disponibilité du financement de l'activité économique.
Ces considérations internes l'ont emporté longtemps, aux yeux des Américains, sur le rôle croissant que leur monnaie nationale joue dans les relations internationales. Que le dollar soit devenu la monnaie clé du système d'étalon de change or en 1934, puis celle du système de changes flexibles depuis 1973 n'a pas été généralement considéré aux États-Unis comme une raison suffisante pour subordonner le choix du régime monétaire à quelque limitation que ce soit. L'internationalisme est rarement très prisé dans les États de l'Union. La conduite des affaires internationales du dollar a pu être perçue, à une époque, comme d'importance relativement secondaire (benign neglect policy – politique de douce insouciance). Depuis le milieu des années 1980 cependant, elle est menée par des gouvernements devenus plus attentifs à la stabilité monétaire internationale et qui n'hésitent pas à intervenir vigoureusement quand la nécessité s'en fait sentir.
Quel que soit leur désir d'indépendance, les États-Unis sont soumis eux aussi aux contraintes que rencontre toute économie nationale insérée dans la division internationale du travail. La valeur du dollar reflète la variation de ses déterminants fondamentaux, la croissance réelle et les gains de productivité, les coûts relatifs de production, l'équilibre budgétaire et monétaire, les taux d'intérêt réels à long terme. À cet égard, le dollar a connu depuis plus de deux siècles une grande variété de changements, comme on le perçoit en analysant successivement le dollar colonial, la naissance d'une monnaie nationale, l'instauration de l'étalon or, l'étalon de change or international, l'étalon dollar et le dollar de la globalisation financière.
Le dollar colonial
Les émigrants qui s'installent en Amérique du Nord au xviie siècle sont déjà accoutumés aux trois grandes formes de monnaie : la monnaie marchandise, faite de pièces d'or ou d'argent, la monnaie régalienne (fiat money), qui consiste en certificats ou en papier-monnaie inconvertibles, et la monnaie bancaire qui se matérialise soit en billets, soit en dépôts, convertibles dans l'une au moins des autres formes de monnaie ou les deux.
L'étalon « sterling » colonial
De 1620 environ au traité de Versailles, où l'Angleterre reconnaît en 1783 l'indépendance des treize territoires qui forment les États-Unis d'Amérique, l'organisation monétaire des colonies reste incomplète et instable. Les colonies sont trop pauvres pour mettre en œuvre un système exclusif de monnaie marchandise et trop mal coordonnées pour lui adjoindre un système uniforme de monnaie de papier complémentaire. Le régime monétaire est fortement influencé par l'Angleterre. Les unités de compte officielles dans les colonies sont donc aussi la livresterling, le shilling (s) et le penny (synonyme du denier, d). La livre est initialement définie par un poids de 3,871 onces troy d'argent correspondant à un prix de 5s 2d l'once d'argent fin.
Au fil du temps, l'unité du régime monétaire des colonies se brise. Vers 1740, par exemple, le shilling de Pennsylvanie a une valeur en argent qui ne représente plus que les trois quarts de celle du shilling de Virginie. Les mêmes noms de pièces de monnaie désignent des valeurs différentes selon le lieu et la date. Les colonies n'ont[...]
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Écrit par
- Dominique LACOUE-LABARTHE : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113
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Médias
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