DOLLAR
Le dollar de la globalisation financière
Une économie nationale ouverte sur le reste du monde ne peut simultanément maintenir des mouvements de capitaux non contraints, un taux de change fixe et une politique monétaire indépendante (triangle d'incompatibilité de Mundell). Alors que les pays européens recherchent tout au long des années 1980-1990 à stabiliser leurs taux de change à travers les mécanismes du système monétaire européen et à intégrer leurs marchés des biens et des capitaux pour former une union économique et monétaire, le Japon essaie surtout de préserver un taux de change compétitif. Les États-Unis, quant à eux, entendent décider librement de leur politique monétaire et, comme à l'accoutumée, ils se soucient assez peu de contrôler les changes. Comme le soulignait un jour un secrétaire au Trésor américain à ses interlocuteurs étrangers : « Nous avons le dollar, c'est votre problème. »
La volatilité du dollar
Au début de la phase de flottement des monnaies, de 1973 à 1975, le dollar connaît deux chutes prononcées suivies de remontées à peu près équivalentes. De 1976 à 1978, la chute du dollar est générale contre toutes les monnaies, de 13 à 45 p. 100 respectivement vis-à-vis du franc et du yen. La dépréciation se justifie face à la concurrence de l'Allemagne et du Japon, mais elle est insuffisante pour compenser la différence de coûts salariaux et sociaux vis-à-vis des pays émergents d'Amérique latine et d'Asie du Sud-Est, les nouveaux concurrents de la puissance américaine.
La nécessité de tirer parti de cette différence de coûts conduit à accepter une appréciation du dollar. D'une part, elle permet de payer moins cher les importations non substituables (pétrole, matières premières, etc.) ; d'autre part, elle incite les industries à se moderniser à moindre coût, à se spécialiser dans des productions à fort contenu en progrès technique et haute valeur ajoutée qui sont demandées à l'étranger plus pour leur nouveauté, leurs caractéristiques, que pour leur prix. Ainsi, de 1979 à 1985, on assiste à une appréciation exceptionnelle du dollar. La hausse des taux d'intérêt mise en œuvre en 1979 par le président du Fed Paul Volcker, qui porte à 18 p. 100 le taux à court terme, casse les anticipations inflationnistes et réussit, au prix d'une récession (en 1982) et d'une crise bancaire majeures, à faire baisser durablement l'inflation. Les autorités monétaires américaines refusent d'intervenir sur les marchés des changes pour enrayer l'appréciation continue du dollar.
Cependant, dès 1980, les transactions courantes avec l'étranger deviennent déficitaires et le resteront durablement ; en outre, les industries exportatrices souffrent de l'appréciation du dollar qui paraît maintenant excessive et la compétitivité des États-Unis est compromise. Les accords du Plaza Hotel signés à New York en septembre 1985, permettent, par des interventions coordonnées sur les marchés des changes, un certain partage de l'ajustement entre les grands pays formant le groupe des Cinq (États- Unis, Royaume-Uni, R.F.A., France, Japon). Le Japon accepte notamment de favoriser une appréciation ordonnée et substantielle du yen pour diminuer ses excédents commerciaux et ses investissements, en particulier immobiliers, aux États-Unis. Aux accords du Louvre en février 1987, les banques centrales jugent la dépréciation du dollar suffisante ; de façon ambitieuse, elles consacrent le concept de zones cibles entre dollar, mark et yen en les assortissant d'interventions pour guider les évolutions des marchés. La Banque centrale allemande et le Fed vendent 13 milliards de dollars entre mai et octobre 1988 et le Fed seul encore 20 milliards de mars à octobre 1989. Pour l'essentiel, on considère généralement comme une réussite l'atterrissage contrôlé du dollar bien que la transparence souhaitée[...]
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Écrit par
- Dominique LACOUE-LABARTHE : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113
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Médias
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