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DOMAINE SEIGNEURIAL

C'est à l'époque carolingienne que l'on voit se dessiner l'organisation matérielle du domaine, telle qu'elle subsiste jusqu'au xiiie siècle. L'ensemble des terres d'un grand propriétaire était partagé en « manses » ou unités de culture ; l'un d'eux, généralement plus vaste, était le « manse du seigneur » (mansus indominicatus) dont les revenus étaient entièrement consacrés à l'entretien du propriétaire ; la culture de ce manse était assurée — en l'absence de tout salariat — par les corvées dues par les tenanciers des autres manses, sous la direction d'un régisseur. Dans ce manse seigneurial (ou « réserve ») il faut inclure tout ce qui était indispensable à la vie dans un régime d'autarcie presque complète : les vignes, les prés, les bois, landes ou taillis — sur lesquels les paysans pouvaient posséder un droit d'usage —, et le noyau même du village, cette « cour » (curtis) qu'on retrouve dans tant de toponymes de la France du Nord ; celle-ci regroupait la maison du propriétaire, divers ateliers (tissage, sellerie, forge, brasserie, moulin, etc.) et l'église, également propriété seigneuriale, dont le seigneur choisissait le desservant. Cette opposition entre la réserve seigneuriale et les autres terres du domaine est, jusqu'à la fin du xiiie siècle, caractéristique de la seigneurie domaniale.

Cependant, du xe au xiie siècle, compte tenu de l'effacement de l'État, le seigneur fait de ses paysans ses dépendants sur le plan juridique et fiscal. Les droits, fort lucratifs, que le seigneur impose alors à ses « tenanciers » tendent à constituer l'essentiel de son domaine. Dès lors, la seigneurie représente tout l'univers du paysan, et le seigneur est le seul maître qu'il connaisse. C'est à lui qu'il paie la taille, la capitation, le cens, le champart, souvent la dîme inféodée. C'est le four et le moulin du seigneur qu'il est contraint d'utiliser, contre redevance. C'est la justice seigneuriale qui a entière autorité sur lui. Enfin, c'est du seigneur qu'il doit obtenir l'autorisation de se marier ou de « déguerpir » s'il est serf.

En Angleterre, pendant la même période, le domaine seigneurial ne connaît pas une pareille extension de l'autorité du maître sur les paysans : le pouvoir royal établi par les Normands y étant fort et, très tôt, centralisateur, le « mannor » (domaine seigneurial) est toujours resté étroitement lié à un certain type d'exploitation de la propriété foncière. Bien au contraire, les seigneurs du continent se détachent peu à peu du monde rural à partir du xiiie siècle : ayant de plus en plus besoin de numéraire, ils abandonnent l'exploitation directe de la réserve soit en la morcelant en « censives » concédées aux paysans, soit le plus souvent en l'affermant en bloc. Finalement, seuls les droits seigneuriaux, particulièrement la fiscalité, rappellent la « propriété éminente » du seigneur sur la totalité de son domaine. De plus, ces droits sont souvent attaqués du xive au xviiie siècle par une monarchie avide de contrôler ses sujets, et qui s'en prend à la haute justice et aux péages seigneuriaux. Enfin, les paysans sont prompts à considérer comme définitive la moindre négligence dans les perceptions. Malgré la complicité des juridictions, il faut désormais au seigneur des archives régulièrement tenues pour faire admettre ses droits. Ce sont elles que les paysans rechercheront avec ardeur, mais rarement avec succès, lors de la Grande Peur (juill. 1789). La fameuse « abolition des privilèges » du 4 août 1789 ayant laissé subsister, en fait, tous les droits « justifiés » par des titres en règle, les dernières marques de la seigneurie n'ont été totalement abolies qu'en 1793.[...]

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  • CENS

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    • 322 mots

    Le mot « cens » a désigné au Moyen Âge deux types de redevances distincts. D'une part, le cens est la redevance que devait annuellement un serf ou tout autre non-libre comme marque de sa dépendance envers son seigneur : c'est le « chevage » ou « chef cens » (cens par tête) des serfs, ou le cens...

  • COMMENDATIO

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  • CORVÉES

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