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REA DOMENICO (1921-1994)

Né en 1921 à Naples, Domenico Rea passe une grande partie de sa jeunesse à Nocera Inferiore (la Nofi mythique de ses romans et de ses nouvelles), petite ville située à une trentaine de kilomètres de Naples. Élevé dans un milieu très modeste, il voit émigrer en Amérique une bonne partie de sa famille et ignore longtemps ce qu'est un livre : “Nous étions tous destinés à des métiers serviles.” À treize ans environ, l'adolescent vole deux ouvrages à la foire de Salerne : l'Histoire de la littérature de De Sanctis et les Operette morali de Leopardi. Pour lui, c'est une révélation, la découverte des grands écrivains — en particulier les conteurs italiens de la Renaissance et les classiques russes et français. Coursier dans un atelier typographique, ouvrier pendant six mois aux Cotonneries méridionales de Nocera Inferiore, il publie son premier recueil de nouvelles, Spaccanapoli, en 1947, chez Mondadori. C'est un succès immédiat : “Nous vîmes brusquement un monde de phosphore et de sang, de masques railleurs, une foule qui dansait une tarentelle déchaînée sur les ruines” (G. Nascimbeni). Gesù, fate luce ! (Jésus, fais la lumière !), qui reçoit le prix Viareggio en 1950, confirme les qualités de l'écrivain qui, selon ses propres dires, connut son “âge d'or” entre 1943 et 1947, “quand les riches cessèrent de manger de la viande et moi de l'herbe. [...] À l'arrivée des Américains, je devins vraiment un homme libre. Quand la guerre prit fin, les Napolitains dirent : la belle époque est terminée”. Dans ce recueil, Rea a su fixer mieux que quiconque un moment particulier de l'histoire de Naples : la ville dévastée par les bombes, la famine, et pourtant frénétiquement acharnée à survivre.

Attentif à saisir la réalité méridionale, Rea est l'auteur de nombreux essais — sur les mendiants, sur Pulcinella, sur l'image de Naples (Les Deux Naples, essai sur le caractère des Napolitains, 1949) — et de nouvelles, un genre qui convenait à merveille à son goût de l'ellipse et des coups de théâtre, et dans lesquelles il met en scène des personnages simples, roués ou passionnés, mais toujours pleins d'une dignité que leur misère — morale ou matérielle — ne parvient pas à entamer. Incisif, nerveux, plein de vitalité, Rea visait à saisir l'essentiel, sans la moindre concession à la rhétorique ou à la couleur locale. Son roman Ritratto di maggio (Portrait de mai, 1953), récit d'une année scolaire dans la Campanie des années 1930, est d'une sobriété exemplaire.

Avec son roman Una vampata di rossore (1959), auquel l'éditeur français a restitué le titre souhaité par Rea, Cancer baroque, l'auteur réussit l'une de ses œuvres les plus intenses, inspirée par son expérience autobiographique : Rita, une sage-femme vénérée dans tout Nofi et que dévore un cancer, n'est pas sans ressembler à sa propre mère. Mais au-delà de la tragédie personnelle et familiale, orchestrée à la manière d'une symphonie (car tous les membres de la famille vivent différemment l'agonie de Rita), Rea trace un magnifique portrait du Sud italien, rongé par un autre cancer : celui de la misère. Incompris de la plupart des critiques de l'époque, ce roman fut cependant loué par Calvino et Vittorini.

Malgré une activité littéraire et journalistique intense (il collaborait à la R.A.I. de Naples et à de nombreux quotidiens, entre autres Il Mattino et Repubblica), Rea ne cachait ni son ennui face à une époque trop différente de celle qui l'avait exalté, ni son amertume devant le gâchis infligé à sa ville : ses Pensieri della notte (Pensées de la nuit, 1987) étaient des “radiographies ténébreuses” de Naples, selon lui impraticable en plein jour, “pages d'un délire méthodique sur une vieille patrie perdue”. Mais, avec son dernier[...]

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Écrit par

  • : professeur de lettres modernes, traductrice littéraire d'italien, responsable du domaine italien aux éditions Actes sud

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