- 1. Quelques définitions
- 2. Les premières domestications
- 3. Semi-domestications, néo-domestications, dédomestications
- 4. Les déterminants de la domestication
- 5. Les effets de la domestication
- 6. Incidences juridiques et économiques des difficultés de la définition de l’animal domestique
- 7. L'avenir de la domestication
- 8. Bibliographie
DOMESTICATION
Les effets de la domestication
L'impact sur les animaux
Pour évaluer l'impact de la domestication sur les animaux, il faut commencer par se demander s'il existe, au moins chez certaines espèces, des dispositions comportementales à la domestication. Georges Cuvier (1825) avait déjà insisté sur la « sociabilité » des animaux, considérée dans ses rapports avec la domestication. Puis, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1861) avait introduit la notion de participation de l'animal lui-même à son propre asservissement, d'un « état actif » supposant « la possibilité de se plier à de nouvelles habitudes, la connaissance du maître, et par conséquent un certain degré d'intelligence ou d'instinct, et de volonté ». À peu près à la même époque, l'ethnologue britannique Francis Galton (1865) classait le fondness for man – penchant [de certains animaux] pour l'homme – en seconde position des conditions de la domestication animale.
Les notions qui viennent d'être évoquées recouvrent en fait deux aspects qu'il convient de distinguer : d'une part, l'attirance que certains animaux semblent éprouver pour l'homme ; d'autre part, la faculté qu'ont ces animaux de s'intégrer parfaitement à la vie des humains, au point d'accepter les contraintes et les servitudes que celle-ci leur impose.
L'attirance des animaux pour l'homme s'explique aisément, dans la plupart des cas, par des motifs prosaïques, comme l'intérêt du chien et du porc pour les déchets humains, cet intérêt ayant sans doute joué un rôle dans la domestication de ces omnivores.
Mais de nombreux animaux témoignent aussi d'une authentique curiosité : l'élan, par exemple, à l'état sauvage, a tendance à s'approcher de l'homme. Ce type de comportement, qualifié de « pseudo-domestication » (J. Pelosse, 1982), a certainement été mis à profit par l'homme. La curiosité du cheval et l'attitude correspondante – corps immobile, encolure tendue, oreilles pointées vers l'avant – sont bien connues des familiers de cet animal ; on voit mal comment, sans cette curiosité, cet animal émotif, puissant et prompt à s'enfuir aurait pu être domestiqué. De même, le comportement exploratoire du chien est à la base de ses utilisations actuelles comme auxiliaire de chasse, de police, etc.
De la curiosité à la coopération dans la quête de nourriture, il n'y qu'un pas que franchirent certainement certains animaux et les hommes préhistoriques. À force de se rencontrer sur les mêmes terrains de chasse et lors de la poursuite des mêmes gibiers, selon des techniques complémentaires – pistage, poursuite et rabattage pour les premiers, embuscade pour les seconds –, les loups et les hommes ont dû finir par comprendre quel parti ils pouvaient tirer les uns des autres ; d'abord rivaux, ils ont sans doute collaboré de manière fortuite au début, puis de plus en plus régulièrement, se partageant même leur butin (pensons à la curée en vénerie).
Pour que l'homme et des animaux dépassent les simples rapports de voisinage ou de commensalité, il faut que les seconds soient doués d'une sociabilité qui les conduisent, sous certaines conditions, à accepter l'homme comme un de leurs propres congénères. Les éthologues s'accordent aujourd'hui à reconnaître que cette tendance à l'« assimilation » (H. Hediger, 1934) est particulièrement développée chez les espèces dont l'éthogramme (ensemble des comportements innés) combine les éléments suivants (E.S.E. Hafez, 1969) :
– un grégarisme qui s'opère dans le cadre de groupes relativement larges (troupeaux), mixtes (mâles restant en permanence avec les femelles) et hiérarchisés (présence d'un dominant) mais à faible organisation territoriale ;
– un[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre DIGARD : directeur de recherche au C.N.R.S.
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