ORTEGA DOMINGO LOPEZ (1906-1988)
Né en 1906 dans le bourg de Borox, voisin de Tolède, Domingo Lopez Ortega est le fils d'une famille de paysans. Ce sera donc l'école jusqu'à douze ans, puis les travaux des champs sur la terre familiale. Mais il y a dans les parages l'élevage fameux du duc de Veragua : de quoi éveiller une passion ardente, quoique tardive ; ce n'est qu'à vingt ans en effet que le jeune homme se lance, sans éclat, dans quelques novilladas. Le moment décisif vient un peu plus tard, lorsqu'il rencontre Domingo Dominguin, ancien torero et grand découvreur de talents : celui-ci le met à l'épreuve quelque temps, puis se l'attache après un succès soudain à Tetuán. Il le présente en septembre 1930 à Barcelone et c'est un triomphe : quatre novilladas consécutives, où se révèle son immense personnalité, le rendent célèbre. Domingo Ortega naît à la gloire.
Une vingtaine de courses suffisent, et dès l'année suivante, le 8 mars 1931, le jeune Domingo prend l'alternative dans cette même arène de Barcelone : on lui accorde l'oreille du taureau Valenciano, que lui cède le grand artiste Gitanillo de Triana. Immédiatement, en une ascension foudroyante, Domingo Ortega va se situer au premier rang de la tauromachie et gagner une popularité immense. Pendant vingt-cinq ans, il déploie aux yeux du public cette maîtrise exceptionnelle qui a fait de lui le type même du grand torero dominateur. Ortega torée intensément de 1931 à 1950 en Espagne (y compris pendant la guerre civile) et également en France, alternant campagnes brillantes et blessures – certaines graves – jusqu'à ce qu'il abandonne l'arène en 1950.
Trois années s'écoulent, et voici que le 30 juillet 1953, les cheveux blancs mais avec une fougue toute juvénile, il revient à Valence, en Espagne, où il connaît un extraordinaire triomphe, réédité le 24 octobre. On le voit encore en France l'année suivante, où, le 19 avril, il donne à Arles un véritable cours de tauromachie face au quatrième Carlos Nuñez. En 1954, un taureau le blesse, et il cesse de toréer quelque temps après.
Un masque rude, une carrure robuste, une démarche un peu lourde masquaient chez Domingo Ortega une vive intelligence. Le coup d'œil, la détermination précise, l'intuition jointe à un courage sans failles, autant de qualités qui lui ont permis de combattre et de réduire les taureaux les plus difficiles. Ce lutteur s'appliquait d'entrée, dans la pure tradition de Belmonte, à imposer à la bête son terrain, à la retenir par des passes basses, à la garder pour un combat resserré. Alors seulement son art se déployait, sobre, captivant : naturelles profondes, longues passes dominatrices et pures, jusqu'à l'estocade finale, portée avec décision. Sans parvenir toutefois à susciter l'émotion tragique d'un Manolete, son grand rival, l'art de Domingo Ortega respirait la sérénité et faisait oublier par sa pureté sa difficile facilité.
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Écrit par
- Louis AUDIBERT : directeur des éditions Aubier et du département sciences humaines aux éditions Flammarion
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