DOMINICAINS
La période d'expansion de l'ordre (Moyen Âge)
Au début du xive siècle, les Dominicains sont déjà 15 000 environ, répartis en plus de 550 couvents, de la Finlande au Maroc, de Dublin à Kiev.
Inséparable de celle des autres ordres mendiants, et notamment des Franciscains (peut-être trois fois plus nombreux), cette expansion apparaît liée au développement du fait urbain, économique et culturel. L'architecture des églises conventuelles (église des Jacobins de Toulouse), situées le plus possible au cœur même des villes, témoigne du souci d'y grouper des auditoires laïcs. Débordant largement le cadre des confréries, béguinages, fraternités de pénitents qui se constituent ou se mettent sous sa direction, l'ordre étend son influence aux hommes les plus engagés dans la vie publique des cités. Volontiers consultés pour la rédaction des testaments, des contrats de mariage, les prêcheurs jouent assez fréquemment le rôle de négociateurs ou d'arbitres entre particuliers, factions, communes et princes. Leur action se répercute à plus d'une reprise sur la politique générale ou locale, aussi bien en Angleterre (parti royal), qu'en France (soutien de Philippe le Bel contre Boniface VIII), qu'en Allemagne (fidélité au pape contre Louis de Bavière), ou qu'en Italie surtout, depuis l'action décisive de Guala de Bergame auprès des communes de Lombardie dans les années 1230 jusqu'à l'éphémère théocratie de Savonarole à Florence au temps des campagnes françaises des Valois, sans oublier – un siècle plus tôt – la subtile utilisation, par les dirigeants florentins, du généreux et mystérieux idéalisme de Catherine de Sienne, mantellata, tertiaire dominicaine.
Institués pour l'annonce de l'Évangile, les Prêcheurs consacrent à cette tâche le meilleur de leur activité, soit dans leurs propres églises, soit en parcourant villes et villages à la manière populaire d'un Venturin de Bergame (début du xive siècle) ou d'un Vincent Ferrier (début du xve siècle). S'ils fournissent les principaux collaborateurs des tribunaux de l'Inquisition pour le dépistage et la répression de l'hérésie, ils contribuent aussi, de manière plus positive, à l'approfondissement intellectuel et spirituel de la foi. De nombreux monastères de moniales se maintiennent sous la juridiction de l'ordre pour bénéficier de son assistance, spécialement dans la région rhénane où, dès la fin du xiiie siècle, un mouvement mystique repose en grande partie sur les enseignements de grands spirituels comme Maître Eckhart, Jean Tauler et Henri Suso. Ayant pris pied dès l'origine parmi les étudiants et maîtres de Bologne, Paris et Oxford, les Prêcheurs sont au cœur du développement universitaire à travers l'Europe médiévale. Les sommes de théologie des grands docteurs scolastiques ne sont pas le seul résultat de l'immense effort intellectuel accompli. En travaillant à assumer en pensée chrétienne l'héritage de la philosophie aristotélicienne, comme aussi celui de la spéculation arabe, Albert le Grand et Thomas d'Aquin ont fait reconnaître à la raison un domaine propre et autonome, ouvrant la voie à l'observation scientifique aussi bien qu'à une réflexion sur la consistance propre de l'ordre politique.
Les frontières de la chrétienté ne limitent pas cette influence des Prêcheurs, qui accompagnent les Chevaliers teutoniques dans leurs croisades en direction de la Prusse, entreprennent des expéditions missionnaires jusqu'au cœur de la Russie ou sur les côtes de l'Inde, prennent part aux ambassades du pape Innocent IV auprès des Mongols, s'établissent de manière durable en Asie Mineure où leur effort d'assimilation aux chrétientés orientales tourne court, se limitant aux aspects linguistiques (arménien, grec). Convertir l'Islam, par la persuasion[...]
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Écrit par
- André DUVAL : dominicain, archiviste de la province de France
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Médias
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