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MENIL DOMINIQUE DE (1908-1997)

La France découvrit Dominique de Menil en 1984 quand le Grand Palais présenta, dans l'exposition intitulée La Rime et la raison, une petite partie des œuvres de sa collection. Pourtant Dominique était née française, en 1908, et ce n'est qu'en 1931, après avoir fait des études de mathématiques et de physique à la Sorbonne, qu'elle avait changé de pays ainsi que de religion (passant du protestantisme au catholicisme) pour pouvoir épouser John de Menil. Comme le remarquait Walter Hopps dans un des textes ouvrant le catalogue de La Rime et la raison, c'est après l'Armory Show de 1913, où avaient été montrées à New York les tendances nouvelles de l'art de tous les pays où la modernité s'était imposée, que les grandes collections américaines se sont constituées. Elles empruntèrent à vrai dire deux voies différentes dont les collectionneurs Walter Arensberg et Duncan Philipps furent les figures éponymes. Le premier, croyant à la permanence d'une tradition ininterrompue dans l'art des origines à nos jours, s'attacha à mettre en relation l'art antémoderne et l'art moderne, en privilégiant bien sûr les artistes et les œuvres qui pouvaient peu ou prou se rattacher à un idéal classique ou qui du moins ne malmenaient pas trop les critères d'harmonie, de sérénité et de bon goût (par exemple le Braque postérieur au cubisme analytique et le Matisse du retour à l'ordre). Le second entérinait quant à lui l'idée qu'une rupture s'était produite au début du xxe siècle et, quels que fussent les noms ou les dates retenus pour désigner ce changement, il pensait qu'une collection, loin de pouvoir encore se contenter d'être le reflet de la belle unité intemporelle de l'art, se devait de prendre parti en se risquant à accueillir, à acquérir des œuvres qui n'appartenaient encore à aucune histoire, qui n'avaient encore aucune postérité permettant de statuer sur leur fécondité et leur valeur. Marcel Duchamp fut l'artiste qui symbolisa cette révolution. Dominique et John de Menil se rangèrent quant à eux avec ferveur auprès de ceux qui avaient pris le parti du contemporain. Sans négliger les œuvres de Braque, de Picasso et de Matisse, ils comprirent immédiatement l'importance des surréalistes (Magritte, Tanguy, Max Ernst ou encore l'œuvre moins connue et pourtant délicieuse de l'artiste américain Joseph Cornell dont l'exposition parisienne présentait plusieurs « boîtes »). Contrairement au sort de bon nombre de collections qui s'arrêtent à leur première grande découverte, la collection de Menil a accompagné l'itinéraire difficilement cartographiable de l'art de l'après-guerre. Il faut dire que Dominique de Menil fut secondée dans ses efforts par ses cinq enfants, tous collectionneurs. Ainsi trouvèrent place dans la collection des artistes comme Andy Warhol, Brice Marden, Carl Andre, Cy Twombly, Donald Judd, Franck Stella, Dan Flavin et Larry Rivers.

Mais à côté de cet intérêt jamais démenti pour l'art en train de naître, la collection de Menil ne renonça pas pour autant à un concept universaliste de l'art englobant aussi bien l'Âge du fer que Byzance, l'art des Esquimaux que les allégories du xvie et du xviie siècle ou l'art colonial d'Amérique latine. Une section de la collection consacrée à la représentation du Noir dans les sociétés occidentales témoigne, sinon d'un engagement, du moins d'un souci pour les questions politiques. La fondation de Menil en a donné une preuve supplémentaire en manifestant son intérêt pour l'art le plus « politique » : l'architecture. Le projet du bâtiment abritant la fondation à Houston, a été conçu par Renzo Piano tandis que la chapelle Rothko, décorée par quatorze toiles de l'artiste et qui accueille des manifestations intellectuelles et artistiques,[...]

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