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JANICAUD DOMINIQUE (1937-2002)

Né à Paris le 14 novembre 1937, normalien, agrégé de philosophie, professeur à l'université de Nice, directeur du Centre de recherches des idées à cette même université, Dominique Janicaud laisse une œuvre vigilante, qui ne se dérobe pas devant les soubresauts ni à toutes les crises que la philosophie a traversés au cours des dernières décennies du xxe siècle. « En faisant l'apprentissage d'un partage encore en suspens, la philosophie assumera critiquement le legs de sa lourde histoire et se dressera, jeune et vive, insatiable de curiosité, au bord de cette aire immense où la pensée se recompose, plus multiple et mouvante que jamais », écrivait-il au seuil de À nouveau la philosophie (1991). Le legs ne se sépare pas ici d'une interrogation sur les possibilités de penser philosophiquement à nouveaux frais les questions qui demeurent pendantes. Les limites auxquelles se voit constamment confronté le questionnement philosophique obligent au dialogue non seulement avec les penseurs de la tradition mais aussi avec ceux qui, aujourd'hui, cherchent, par diverses voies, à la poursuivre.

Ce travail inconfortable sur les limites (en 1983, il donnera, avec Jean-François Mattei, quatre textes interrogeant La Métaphysique à la limite), Dominique Janicaud l'a mené à bien à toutes les étapes de son œuvre. Passant de Ravaisson, objet de son premier livre (Une généalogie du spiritualisme français. Aux sources du bergsonisme : Ravaisson et la métaphysique, 1969), à Hegel (Hegel et le destin de la Grèce, 1975), c'est avant tout à la phénoménologie et à Heidegger qu'il consacre le plus gros de ses travaux. Il va interroger avec passion et minutie les métamorphoses de la raison. Son maître livre (La Puissance du rationnel, 1985) se veut précisément une « topologie du rationnel » à l'heure de sa domination insuffisamment questionnée dans notre ère technoscientifique. Hyperrationalisme et irrationalismes de tous bords se croisent dans ce qui fait la modernité soumise au déferlement non rationnel de la technique. Le questionnement heideggérien demeure le levier permettant de poursuivre les analyses. Jamais, toutefois, les tentations théologiques (interrogées avec force dans Le Tournant théologique de la phénoménologie française, 1991, et La Phénoménologie éclatée, 1998) ne seront acceptées. Si la raison doit être interrogée, c'est au nom de son idéal et de ses multiples possibilités qu'elle doit être envisagée. Rationaliste ouvert, y compris à la pensée anglo-saxonne, Janicaud n'aura jamais cédé aux dogmatismes et orthodoxies (heideggériens ou autres) dans lesquels certains auraient aimé l'enfermer. Heidegger en France, 2001, son dernier grand ouvrage, véritable somme sur le paysage intellectuel français de la seconde moitié du xxe siècle, illustre à merveille son honnêteté de lecteur soucieux de faire la part des idéologies du moment face aux questions fondamentales, voire vitales, auxquelles notre époque est confrontée. Son livre sur le temps (Chronos, 1997) confirme la multiplicité des voies de recherches d'un penseur pour qui la philosophie était aussi un exercice de probité.

— Francis WYBRANDS

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