DOMINIQUE-VIVANT DENON. L'ŒIL DE NAPOLÉON (exposition)
En consacrant une exposition à Denon, le Louvre rendait hommage à son « grand homme », à celui qui fut le premier directeur des Musées. Pierre Rosenberg, directeur du musée du Louvre et organisateur de cette manifestation, ne s'est pas limité à l'action du haut fonctionnaire sous le Consulat et l'Empire mais entendait, avec les 634 œuvres présentées, éclairer les différentes facettes de la personnalité de Denon. L'exposition était donc organisée en trois sections, l'une dévolue à la collection de Denon, une autre à celui qui fut écrivain, dessinateur, graveur, voyageur, et la partie la plus importante était consacrée à l'administrateur.
Denon (1747-1825) est un homme complexe. Il fut un touche-à-tout, un courtisan génial, un opportuniste qui sut tirer parti des bouleversements politiques, d'un Ancien Régime finissant à la Révolution, du Directoire à l'Empire.
À seize ans, il quitte sa ville natale, Chalon-sur-Saône, pour étudier les beaux-arts à Paris. Il s'immisce à la cour et obtient une charge de gentilhomme ordinaire du roi. La comédie étant à la mode, il donne en 1764 une pièce de théâtre, Julie, ou le Bon Père, puis écrit un conte libertin, Point de lendemain (1777). Il s'adonne également à la gravure à l'eau-forte, ce qui lui permet d'entrer à l'Académie en 1787. L'art de la gravure sert son ambition. Ce fut aussi la passion de toute une vie. Devenu directeur des Musées, il cherche à développer la lithographie, pour donner une histoire de l'art par l'image.
Dès 1773, Denon s'essaye à la diplomatie. Sans grand succès, mais cette activité lui permet de voyager et de satisfaire son insatiable curiosité. Une première mission l'envoie à Saint-Pétersbourg d'où il est expulsé, une autre à Naples qu'il est obligé de quitter après un séjour de sept ans. De Naples, il rapporte une collection de vases dits étrusques qu'il vend au roi Louis XVI. Il repart, cette fois-ci en amateur, pour l'Italie où il visite monuments et galeries. À la fin de 1793, Denon rentre à Paris où il est un protégé du peintre David. Sous le Directoire, il évolue dans les divers cercles composites qui fleurissent à Paris, s'introduit dans l'entourage de Joséphine de Beauharnais. Grâce à l'intervention de la future impératrice, il obtient de faire partie de l'expédition scientifique en Égypte en 1798. Il publie, en 1802, Voyage dans la Basse et Haute Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte ; cet ouvrage qui lui vaut la notoriété, la protection de Joséphine marquent le début de sa fortune : la même année, il est nommé directeur des Musées, à un moment favorable.
Après les prises de l'armée révolutionnaire, les œuvres d'art conquises par l'Empire affluent en effet à Paris. Le Muséum central des arts, devenu musée Napoléon, doit devenir « le plus beau musée de l'Univers ». C'est avec soin et en connaisseur que Denon donne des ordres pour saisir les chefs-d'œuvre des pays conquis. Il se rend sur place pour sélectionner les œuvres d'art destinées au musée Napoléon. Il s'attache particulièrement à rapporter les œuvres qui manquent à Paris, notamment les peintures des « écoles primitives », des « maîtres des premiers temps de la peinture ». Denon, en homme des Lumières, entend faire du Louvre un musée encyclopédique, où les œuvres sont classées chronologiquement et par écoles.
Denon est en outre un véritable surintendant des arts, ayant la charge d'encourager l'art vivant. Il organise le Salon. Ce moment central de la vie artistique était évoqué, dans l'exposition du Louvre, par une reconstitution partielle du Salon de 1808 (un des Salons les plus importants de l'Empire, où fut présenté Le Sacre de David), une sélection de quarante-quatre[...]
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Écrit par
- Marie-Claude CHAUDONNERET : docteur, H.D.R. du C.N.R.S. au laboratoire de recherche en histoire de l'art du Centre André Chastel
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