DOMINOS, jeu
Les dominos européens sont de petites plaquettes de matière dure et blanche (os, ivoire, plastique, etc.) dont l'une des faces comporte deux compartiments parfois laissés vierges mais le plus souvent gravés de un à six ocelles (points de dés). Un jeu complet est formé de vingt-huit pièces, qui vont du double-blanc au double-six.
La stratégie des dominos européens est assez simple et s'apparente à une espèce de puzzle. Il s'agit en effet, une fois distribuées les vingt-huit pièces, de poser à tour de rôle un domino qui puisse s'assembler avec un des deux côtés du domino précédent. Celui qui a le double le plus haut commence ; quand on ne peut rien poser, on passe. Le premier à avoir placé toutes ses pièces gagne.
Il n'est pas facile de savoir d'où viennent les dominos. Une origine chinoise est souvent avancée car il existe en Chine des dominos fort anciens. Toutefois, les Chinois ne connaissent pas les « blancs » : il n'y a donc que vingt et une combinaisons de base, parmi lesquelles onze sont doublées, ce qui fait trente-deux pièces au total. Les règles chinoises sont très différentes des nôtres : ce sont quasiment des jeux de cartes, pour la plupart proches de la famille du rami. Il existe d'ailleurs des cartes-dominos sur papier.
C'est en France que l'on trouve la plus ancienne mention des dominos, dans le journal L'Avant-Coureur du 1er avril 1762 : « Voici encore un jeu de société [...]. Ce jeu s'appelle le jeu du domino, nom emprunté du Carnaval pendant lequel il a régné. Il est composé de vingt et une cartes marquées chacune d'un des points des dés du trictrac [...]. » On verrait bien là l'invention d'un tabletier parisien du milieu du xviiie siècle. Le premier dictionnaire à signaler le domino – cette fois avec vingt-huit pièces – est l'édition de 1771 du Dictionnaire françois et latin, dit « de Trévoux ». En 1780 paraît même un petit manuel intitulé Règles et principes sur le jeu de domino. Le Dictionnaire des jeux de l'Encyclopédie méthodique ne manque pas d'y consacrer, en 1792, un article de huit colonnes. C'est sans doute de France que le jeu s'est diffusé ensuite en Europe car tous les dictionnaires étrangers renvoient au français. Les Anglais l'adoptent dès les années 1800 : ce sont, semble-t-il, les prisonniers de guerre français qui alimentèrent la mode du jeu outre-Manche. Les « travaux de ponton », sur os ou sur ivoire, constituent souvent les premiers exemples connus de dominos européens.
L'histoire du mot « domino » est difficile à saisir. Sous l'Ancien Régime, le terme désignait à la fois une espèce de capuchon noir que portaient certains moines ou les femmes en deuil – d'où le sens de masque noir (ou « loup ») de carnaval – et toutes sortes de papiers imprimés à l'aide de la gravure sur bois puis coloriés, destinés à la décoration. Un fabricant de dominos (papiers) était donc un dominotier et son travail, la dominoterie.
Plusieurs hypothèses s'affrontent quant à l'étymologie du nom. On met en avant le latin : le capuchon des moines viendrait de Benedicamus Domino, et, quand on place son dernier domino gagnant au jeu du même nom, on « fait domino » (déjà en 1771). Certains veulent voir l'origine du mot dans le verbe domino, « je vaincs » (mais on fera remarquer que domino est plus rare que dominor dans ce sens...). Pour d'autres, ce qui compte ici c'est le contraste noir/blanc : noir de la capuche monastique sur la bure blanche, noir de l'impression xylographique sur le papier blanc, noir du dos (ou des points gravés) des dominos.
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Écrit par
- Thierry DEPAULIS : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu
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