DON CARLOS (G. VERDI)
Le premier contact de Giuseppe Verdi avec Don Carlos date de 1850, mais il faut attendre 1865 pour que soit signé un contrat. Verdi accumule un tel matériel que, dès les répétitions, il lui faut procéder à des coupures. La première version de Don Carlos, en cinq actes, est créée à l'Opéra de Paris (salle Le Peletier), le 11 mars 1867, sous la direction de Georges Hainl, avec Jean Morère (Don Carlos), Jean-Baptiste Faure (Rodrigue, marquis de Posa), Louis-Henri Obin (Philippe II), Joseph David (le Grand Inquisiteur), Marie Sass (Élisabeth de Valois) et Pauline Gueymard (la princesse Eboli) dans les rôles principaux. Après de nouvelles suppressions, on arrive à la version dite milanaise, en quatre actes, créée à la Scala, le 10 janvier 1884. Le premier acte, dit de Fontainebleau, est cependant rétabli dans la version de Modène, créée le 29 décembre 1886.
L'opéra initial est écrit sur un livret français de François-Joseph Méry et de Camille du Locle. À part quelques fautes de scansion, on constate un réel effort du compositeur pour retrouver la fluidité du français souhaitée par Rousseau et pleinement réalisée par Debussy. Ce livret servira de point de départ aux deux versions italiennes. Il repose par ailleurs sur de multiples sources. Le drame de Friedrich von Schiller, Don Carlos, Infant von Spanien (1787), en constitue la principale, mais non la seule. On imagine mal le succès littéraire et même lyrique que connurent la mort de l'infant Don Carlos, liée à son père le roi d'Espagne Philippe II, et l'amour de l'infant pour Élisabeth de Valois, fille du roi de France Henri II, brutalement interrompu par Philippe au profit de celui-ci. Il y avait là un noyau mythique, un Œdipe renversé : au lieu qu'un fils souhaite se débarrasser d'un père pour prendre la mère, on y voit un père éliminer tranquillement un fils pour jouir de la femme qui était due à son enfant. À partir du récit romanesque de l'abbé Vichard de Saint-Réal (1672), cette histoire eut un grand succès dans l'Europe entière. Elle permet par ailleurs à Verdi de parler librement de la politique et de l'Église, ce qui était alors impossible en Italie.
Argument
L'opéra se déroule en France (pour les versions qui comportent l'acte de Fontainebleau) et en Espagne vers 1560. Il repose sur l'amour impossible de l'infant Don Carlos (ténor), fils du roi d'Espagne Philippe II (basse), et d'Élisabeth de Valois (soprano), fille du roi de France Henri II. Tous deux se rencontrent à Fontainebleau et s'aiment. Ils sont supposés se marier pour mettre un terme à la guerre qui oppose leurs pays mais, à la dernière minute, Philippe trouve préférable pour son propre règne de s'approprier la princesse française. Élisabeth devient reine d'Espagne, mais elle est malheureuse. Comme elle demeure amoureuse de l'infant tout en s'interdisant de manquer à son serment, Philippe II devient jaloux.
Carlos essaie d'oublier son amour en demandant d'aller apaiser les Flandres, durement soumises à l'Espagne ; en cela il est très aidé par son ami intime Rodrigue, marquis de Posa (baryton), qui est un libéral égaré à l'époque de la monarchie absolue, plus proche en cela du xixe siècle que de l'époque à laquelle se déroule l'opéra. Tous deux paieront cher leur goût de la liberté pour les Flandres : le premier, en raison de son plaidoyer en faveur des Flandres et surtout de son amour pour la reine, est livré au Grand Inquisiteur (basse) et ne sera sauvé à la toute fin de l'opéra que par l'apparition du spectre de Charles Quint ; le second est assassiné par l'Inquisition. À cette intrigue déjà complexe vient s'ajouter le personnage de la princesse Eboli (mezzo-soprano) : dame de compagnie d'Élisabeth et maîtresse de Philippe, elle aime en fait l'infant et est, comme telle, jalouse de la reine.[...]
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Écrit par
- Gilles de VAN : professeur émérite à l'université de Paris-III
Classification
Média