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DONATISME

Signification du conflit

L'enjeu théologique

En déniant toute valeur aux sacrements conférés par des ministres schismatiques ou apostats, les donatistes, loin d'innover, demeuraient fidèles à la théologie de saint Cyprien, le grand évêque martyr de Carthage. Sa position, rejetée par Rome, ne l'avait jamais été nettement en Afrique, et Cécilien lui-même la partageait. De plus, en dépit des assertions de saint Augustin, cette théologie ne liait pas tant la validité des sacrements à la sainteté personnelle du ministre qu'à sa reconnaissance par l'Église comme membre fidèle et intègre. Ainsi sainteté, sacrements valides et frontières sociologiques de l'Église coïncidaient parfaitement. L'exigence légitime d'un ministère confessant revenait à prôner une Église de purs, de structure cléricale et sectaire, dont la marque était la recherche quelquefois fanatique du martyre (provocation des païens, voire suicides collectifs). C'est en établissant que le Christ est le véritable auteur des sacrements qu'Augustin réussit à dissocier cette synthèse : la sainteté des sacrements étant celle du Christ non seulement le rôle des clercs en était relativisé mais on échappait à l'attitude donatiste du « tout ou rien », et l'on était mis dans la nécessité de reconnaître l'unique baptême partout où il était donné et par là même de voir dans les communautés dissidentes des « vestiges » de la véritable Église. En justifiant de plus la non-réitération du baptême et de l'ordre, il posait les autres fondements de ce qui devait devenir, dès le xiie siècle, le traité classique des sacrements en théologie latine. Cette réflexion, appuyée sur un critère de catholicité (la pratique de l'Église universelle) a certainement aidé l'Église à ne pas se transformer en secte et offre encore aujourd'hui le fondement le plus communément accepté à l'action œcuménique entre les confessions chrétiennes.

Dans son appel au pouvoir civil, saint Augustin fut bien moins heureux. On lui a beaucoup reproché son exégèse de Luc, xiv, 23 (Compelle intrare : force-les d'entrer) : elle n'était qu'occasionnelle. Malgré son génie, il n'a guère pressenti le cadeau empoisonné que représentait pour l'Église la situation constantinienne et encore moins soupçonné les dimensions sociologiques du donatisme.

Religion et société

La recherche historique a établi que le donatisme ne fut jamais un mouvement purement religieux. Mais, à critères identiques, cela ne vaut-il pas également de l'Église catholique africaine ? Celle-ci s'appuyait juridiquement sur l'Empire ; ses évêques, administrateurs de grands domaines ecclésiastiques, étaient solidaires de l'aristocratie foncière romanisée ; ainsi l'Église catholique s'insérait, tout autant que le donatisme, dans un réseau de solidarités politiques, économiques et culturelles.

Reste à savoir pourquoi le donatisme qui, au point de départ, était une protestation de « purs » contre la mansuétude de la discipline ecclésiastique est également devenu une révolte contre l'injustice sociale et la domination étrangère, pour employer une terminologie moderne. Son conservatisme explique probablement ce développement : en s'opposant obstinément à toute modification de l'attitude chrétienne traditionnelle vis-à-vis de l'État, il rencontrait un écho favorable dans les tendances autonomistes africaines. Semblable rencontre explique aussi pour une large part le succès remporté par les monophysismes copte et syrien. De nombreux facteurs contribuèrent à diviser catholiques et donatistes : la langue (latinisation incomplète du pays), la race (antagonisme entre Berbères et romanisés), l'économie et la politique (circoncellions et latifundiaires). Cela, l'historien[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'Institut catholique de Paris

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