DONG QICHANG[TONG K'I-TCH'ANG](1555-1636)
Le calligraphe et le peintre
Avec Dong Qichang, la définition classique qui voyait dans la peinture « une excroissance de la calligraphie » prend sa pleine signification. Les sources de sa calligraphie sont composites et malaisées à définir (Dong a délibérément brouillé les pistes pour prévenir toute confrontation défavorable avec ses modèles) ; les exemples de Zhao Mengfu et de Mi Fu durent être déterminants pour ses années de formation ; plus tard, il se mettra à l'école de Wang Xizhi et de Wang Xianzhi. Sa calligraphie est d'une élégance achevée, mais elle se trouve limitée par cette qualité même. Dong ne réussit jamais à se départir d'une joliesse qui nuit au naturel, et ce naturel, qui dans l'esthétique calligraphique constitue précisément la valeur suprême, lui échappe de façon d'autant plus irrémédiable qu'il le poursuit avec plus d'acharnement. Il reprochait au pinceau de Shen Zhou « une force qui l'emporte sur le charme » ; la critique inverse pourrait lui être appliquée : son pinceau souple et gracieux reste relativement dépourvu de vitalité (qi). Là où il est incomparable par contre, c'est dans sa façon fluide de jouer sur les diverses valeurs d'encre. Cette qualité habilement transposée dans sa peinture constitue une contribution d'une importance majeure au développement du langage pictural. Pour mieux faire ressortir ces nappes d'encre très liquide qu'il réussit à superposer sans qu'elles se confondent, il attache une importance toute particulière au choix de ses supports, ne travaillant que sur satin, soie au grain très fin ou variété luxueuse de papier glacé, tous matériaux qui requièrent du peintre un très exact contrôle de son encre (sur ces surfaces glissantes, un excès de force noie le coup de pinceau, tandis qu'une force insuffisante ne lui permet pas de tracer sa marque). Sa peinture s'inspire avant tout de Dong Yuan et de Mi Fu ; dénué de la rigoureuse formation technique qui sous-tendait les improvisations de ceux-ci, il maquille ses carences structurelles sous l'ornement de l'encre (ainsi, dans sa peinture, la façon dont les feuillages viennent constamment cacher la pauvreté des « rides » de ses rochers et montagnes) et, pour détourner l'attention des critiques, il s'invente des antécédents mythiques : ainsi, il prétend prendre modèle sur Wang Xia plutôt que sur Mi Fu, sur Wang Wei plutôt que sur Dong Yuan ; aucune œuvre des deux maîtres Tang ne subsistant plus, il a beau jeu d'invoquer leur autorité pour rendre compte de l'écart qui le sépare de Dong et de Mi. La théorie de l'école du Sud et de l'école du Nord n'est rien d'autre en fait qu'une tentative de rationalisation systématique de cette généalogie imaginaire de sa peinture. Cette théorie s'inspire à l'origine de l'histoire de la secte Chan – qui s'était divisée en deux écoles, celle du Nord recherchant l'illumination par une discipline graduelle, celle du Sud basant son approche sur l'intuition –, mais son application en peinture est tout à fait arbitraire, n'ayant là aucun support historique ou géographique ; il s'agit plutôt de catégories critiques, l'« école du Sud » englobant tous les ancêtres de la peinture lettrée, tous les représentants d'un art aristocratiquement dégagé des exigences de métier, l'« école du Nord » groupant au contraire les professionnels et les peintres de l'Académie impériale.
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Écrit par
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
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