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DORIENS

Dialectes grecs - crédits : Encyclopædia Universalis France

Dialectes grecs

Les Grecs eux-mêmes classaient les divers dialectes locaux parlés à l'époque classique en quelques grands groupes, l'ionien, l'éolien et le dorien principalement. Les recherches linguistiques modernes, fondées sur l'épigraphie, ont confirmé pour l'essentiel ces classifications. Un dialecte de type dorien était parlé dans une grande partie du Péloponnèse – l'Argolide et la Corinthie, la Laconie et la Messénie –, à Mégare, dans les îles méridionales de la mer Égée (notamment en Crète), dans les cités du sud-ouest de la côte anatolienne (Cnide, par exemple) et dans les îles voisines, Rhodes en particulier. Les colonies fondées par des métropoles doriennes (Tarente, colonie de Sparte, Syracuse, colonie de Corinthe, Cyrène, colonie de Théra, Byzance, colonie de Mégare...) ont, elles aussi, gardé des dialectes doriens.

La tradition grecque explique la présence des Doriens dans le Péloponnèse par une conquête postérieure à la guerre de Troie. Des groupes de Doriens venus du Péloponnèse auraient ensuite occupé les îles et les côtes de l'Égée méridionale (sur ce dernier point, les traditions ne sont pas unanimes).

L'étude du dialecte dorien et des traditions antiques a été souvent faussée par le « mythe dorien », une construction idéologique des xixe et xxe siècles, qui doit beaucoup plus aux préjugés de certains historiens qu'à l'analyse des documents.

La tradition antique

Selon la tradition grecque, la prise de Troie par les Achéens, accompagnée de nombreux sacrilèges, et le retour mouvementé des héros dans leurs royaumes, auraient été suivis d'une longue période de troubles. Deux générations après la guerre de Troie, les Héraclides, descendants d'Héraclès, seraient parvenus à reconquérir le Péloponnèse dont leur ancêtre avait été chassé par Eurysthée : lors de ce « Retour », ils auraient été à la tête de Doriens venus de la région du Parnasse appelée Doride. Les Arcadiens auraient résisté à l'invasion, ce qui leur permettait de se dire autochtones ; les Athéniens auraient à la fois accueilli de nombreux réfugiés péloponnésiens – dont les Ioniens, qui émigreront ensuite en Asie Mineure – et repoussé victorieusement les envahisseurs doriens.

Il convient de noter que l'ensemble de ces traditions est remarquablement cohérent. Les grandes lignes des récits héroïques sur la guerre de Troie sont fixées au plus tard lors de la composition des cycles épiques, au viiie siècle et au début du viie siècle. Si les récits les plus détaillés sur le Retour des Héraclides et la migration ionienne apparaissent chez des auteurs relativement tardifs (Strabon, Apollodore et Pausanias notamment), il est clair que leur élaboration est bien antérieure (on trouve plusieurs allusions incontestables à ces épisodes chez des poètes archaïques des viie et vie siècles, Mimnerme de Colophon, Tyrtée et Solon notamment). Il est vraisemblable que ces récits ne sont guère postérieurs aux grandes traditions épiques : ils visent à expliquer les différences entre la Grèce des héros, évoquée par l'épopée, et celle dans laquelle vivent les Grecs du haut archaïsme.

Jusqu'au début de l'époque hellénistique, la situation linguistique du monde grec se caractérisa par la coexistence de nombreux dialectes, que les Grecs eux-mêmes classaient en trois grands groupes : ionien, éolien, dorien. La répartition de ces trois groupes correspond à peu près à la diffusion de certaines caractéristiques institutionnelles (la présence de trois tribus dans la plupart des cités doriennes, celle de quatre tribus dans beaucoup de cités ioniennes, les mêmes noms de tribus réapparaissant souvent) et à la diffusion de certains cultes (celui d'Apollon Carneios chez les Doriens, par exemple, ou la fête des Apaturies chez les Ioniens). Les Grecs avaient conscience de ces différences,[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

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