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DORIENS

Théories récentes

Constatant qu'on n'avait pu identifier aucune trace incontestable de l'arrivée des Doriens, certains archéologues en ont conclu qu'il fallait rejeter totalement l'hypothèse d'une migration dorienne, qualifiée d'archaeological non-fact. Un tel argument est extrêmement faible : des nouveaux venus qui partagent les coutumes de ceux qu'ils envahissent, ou qui en adoptent très vite les usages, ne sont pas décelables par l'archéologie. Il n'est pas sûr qu'on aurait identifié les Hyksos en Égypte ou les Cassites en Babylonie si l'on n'avait pas eu de texte à leur sujet.

Il convient de revenir aux données dialectales, en insistant sur trois faits remarquables : la proximité entre les dialectes grecs du groupe nord-occidental et les dialectes doriens, l'étroite parenté entre les dialectes parlés dans les montagnes d'Arcadie et ceux de la lointaine Chypre et, enfin, la ressemblance entre cet arcado-chypriote et la langue des tablettes mycéniennes en Linéaire B. Beaucoup de traits dialectaux sont incontestablement le résultat d'évolutions linguistiques qui se sont produites au Ier millénaire, mais l'évolution d'une langue ne se fait pas de manière arbitraire ; certaines transformations phonétiques sont fréquentes (le passage de ti à si par assibilation par exemple), tandis que d'autres sont impossibles (le passage de si à ti notamment) ; on peut donc dire qu'en grec la forme ti est plus primitive que la forme si. Un dialecte dans lequel les formes primitives abondent, comme le dorien, ne peut être issu de dialectes plus « évolués ». Le grec utilisé par les scribes mycéniens présente beaucoup de traits évolués par rapport aux dialectes doriens. Depuis le déchiffrement du Linéaire B de 1953 jusqu'en 1975, on en a généralement conclu que les Doriens ne sauraient être les descendants des Mycéniens, et qu'ils étaient donc arrivés dans le Péloponnèse pendant les Âges obscurs, après 1200 avant J.-C.

Cette interprétation fut contestée en 1976 par le grand mycénologue anglais John Chadwick. Le linguiste suisse Ernst Risch avait cherché à expliquer quelques rares variantes phonétiques et grammaticales au sein des archives en Linéaire B par l'interférence de deux dialectes, le mycénien « normal », langue de chancellerie habituellement utilisée, et le mycénien « spécial », correspondant à la langue parlée, dont certains scribes laisseraient parfois quelques formes s'introduire dans leurs textes. D'après John Chadwick, les traits particuliers du mycénien spécial seraient caractéristiques du dialecte dorien. Le dorien serait la langue parlée des couches populaires des royaumes mycéniens et de la plupart des Grecs de Crète. Le mycénien normal serait la langue de cour d'une mince élite, dont la façon de parler et d'écrire aurait subi une forte influence minoenne. Il serait inutile de supposer une invasion dorienne ; la chute des palais mycéniens, en débarrassant les populations du Péloponnèse de leurs maîtres, aurait permis aux Doriens déjà présents d'apparaître au premier plan.

La brillante théorie de Chadwick crée plus de difficultés qu'elle n'en résout. Comment expliquer que les pauvres paysans d'Arcadie aient adopté et conservé un dialecte proche de celui des élites palatiales minoïsées ? Comment expliquer la parenté entre le dorien et le grec du nord-ouest ? Comment expliquer la genèse des traditions sur le Retour des Héraclides ? Ajoutons que beaucoup de linguistes jugent inutile de recourir à l'hypothèse d'un mycénien spécial pour rendre compte des quelques variantes que l'on rencontre dans les textes en Linéaire B, et que Risch lui-même n'admettait pas que le mycénien spécial puisse être du dorien.

L'hypothèse la plus vraisemblable[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur d'histoire grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

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Dialectes grecs - crédits : Encyclopædia Universalis France

Dialectes grecs

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