DORSEY THOMAS ANDREW ou GEORGIA TOM (1899-1993)

Gospel signifie en anglais Évangile. Les gospel songs sont donc, littéralement, des “chants évangéliques”. En réalité, cette expression en est venue à désigner un répertoire particulier de chansons religieuses interprétées dans les Églises noires des États-Unis. La diffusion de ces black gospels (il existe un gospel blanc, très populaire en Amérique du Nord, lié musicalement à la musique country) s'est étendue à de très nombreuses congrégations à travers le monde ; pourtant, les gospel songs évoquent d'abord la musique afro-américaine. C'est dans les années 1930 que l'on a commencé à distinguer par ces mots des hymnes nouvelles. Jusque-là, les congrégations, les chorales, les quartettes vocaux interprétaient des spirituals, œuvres anonymes, transmises par la tradition orale depuis les temps de l'esclavage puis transcrites après l'émancipation ; ou encore des cantiques classiques du protestantisme comme les hymnes du Dr. Isaac Watts (1674-1748), celles de Charles Wesley (1707-1788), ou Amazing Grace de John Newton (1725-1807) ; enfin, des compositions plus récentes, toujours désignées comme hymnes, celles du pasteur méthodiste noir Charles Albert Tindley (1851-1933), par exemple. Le début des années 1930 voit la dépression frapper le petit peuple afro-américain ; au même moment, le chant choral s'installe dans les Églises noires, notamment chez les baptistes. Le besoin se fait sentir d'un répertoire inédit que puissent chanter les chœurs et qui redonne espoir aux plus déshérités en réconfortant à la fois le cœur et le corps. Thomas Andrew Dorsey va incarner cet aggiornamento de la musique religieuse afro-américaine en mêlant musiques profanes et bonne nouvelle évangélique, en organisant la diffusion commerciale de ces chants nouveaux, en s'associant avec quelques-unes des plus grandes voix de l'époque.

Thomas A. Dorsey naît à Villa Rica, en Georgie, le 1^er juillet 1899. Son père était pasteur baptiste et sa mère jouait de l'harmonium. Le jeune Thomas s'initie à cet instrument et, lorsque la famille déménage à Atlanta, il commence à chanter. Mais la capitale géorgienne est une ville où bouillonne la vie ; en ce début de siècle, des musiques s'inventent qu'on entend dans la rue, les bouges, les cirques et les théâtres. T. A. Dorsey travaille un temps pour un cirque, puis vend des rafraîchissements dans un théâtre. C'est là qu'il découvre Bessie Smith, l'“impératrice du blues”. Devenu pianiste de talent, la musique profane l'attire d'abord. Il joue avec des orchestres de blues et de jazz ; quand, en 1916, il se retrouve à Chicago, il prend le sobriquet de Barrelhouse Tommy et se produit avec les Will Walkers' Whispering Syncopators. En 1924, il accompagne une autre chanteuse de blues renommée, Ma Rainey. Et, en 1928, associé au guitariste Tampa Red (Hudson Whittaker), il connaît, sous le nom de Georgia Tom, son plus grand succès : son It's Tight like that, une chanson au double sens plutôt osé, devient très populaire. Pourtant, il n'a pas abandonné l'Église. Deux ans avant It's Tight like that, touché par le décès d'un voisin, il a composé If You See my Saviour, Tell Him that You Saw Me, a emprunté pour le faire imprimer et en fait circuler quelques exemplaires. En 1930, cette chanson est utilisée lors de la Jubilee Session de la National Baptist Convention dirigée par Lucie Campbell, qui influence alors de manière décisive la musique des Églises baptistes. Encouragé par cette première réussite, il fonde la Thomas A. Dorsey Gospel Songs Music Publishing Company. Deux ans plus tard, durement affecté par la mort de sa femme et de l'enfant qu'elle portait, il compose Precious Lord, Take my Hand, cantique d'une grande beauté qui égalera bientôt la popularité de Amazing[...]