DOT
Interprétations
À l'époque contemporaine la dot semble en voie de disparition lorsqu'elle n'est pas condamnée par les législateurs (Gabon, Côte-d'Ivoire, Inde) comme une pratique dégradante et dangereuse dans une civilisation fondée sur l'égalité de l'homme et de la femme. La suppression ou la limitation de la dot (art. 3 de la loi malienne du 3 février 1962) sont des indices révélateurs d'un état social où la femme tend à devenir l'égale de l'homme, même dans les pays qui voient encore en elle surtout un instrument de la perpétuation de la famille.
La dot et la condition de la femme
Le temps n'est pas très éloigné où le souci majeur du père de famille était de « bien marier » sa fille parce que la société n'offrait pas à la femme d'autre débouché que le mariage. Le roman, le théâtre, le cinéma attestent par le choix de ce thème l'importance assignée à la dot dans une société où la femme ne trouve nulle protection en dehors du mariage. La dot permet de caser la fille en ce qu'elle compense, dans une certaine mesure, la charge de son entretien par le mari et l'impuissance où la société la maintient de subvenir à ses besoins et de participer par son travail aux charges de son ménage. Les changements de mœurs et les bouleversements des conditions économiques de la société occidentale contemporaine, en conférant aux femmes le droit au travail, font que celles-ci trouvent dans l'exercice d'un métier la sécurité matérielle qu'elles attendaient du mariage et, en outre, l'indépendance pécuniaire. Aussi la dot devient-elle une institution négligeable, car l'épouse, en qualité de travailleur, apporte en mariage un capital dont les revenus seront destinés à l'entretien du ménage et qui lui demeurera à la dissolution de l'union conjugale. Dès lors, la fonction sociale de la dot ne paraît plus évidente et l'on comprend que le législateur ait supprimé l'institution, accordant le droit avec les faits.
Sous d'autres aspects pourtant et dans d'autres sociétés, la dot conserve une utilité en raison de l'inégalité successorale qui persiste entre l'homme et la femme. On constate une correspondance assez nette entre la constitution de dot et un état du droit dans lequel la femme est écartée de l'héritage de ses parents en présence de fils ou d'héritiers mâles. L'institution doit alors être examinée par rapport à un principe fondamental profondément enraciné dans la mentalité de certains peuples du Tiers Monde : le principe de la conservation des biens dans les familles. Le mariage de la femme, dit-on souvent, peut entraîner une dilapidation du patrimoine de sa famille et enrichir le mari ; aussi la constitution d'une dot limite-t-elle ce risque en désintéressant la fille tout en assurant à elle-même et à sa descendance un moyen parfois relatif de subsistance. Le « chapel de roses » du droit normand répondait dans une certaine mesure à cette exigence, mais peut-être est-il bon de souligner que cette pratique existe dans les pays du Tiers Monde, en Indonésie et à Madagascar notamment, et qu'elle est assez fréquente dans les systèmes familiaux et matrimoniaux patrilinéaires, principalement lorsque la fille est mariée avec bride-price ; cela semble avoir pour effet de l'exclure de la succession de ses parents, du fait, peut-être, qu'elle est aliénée en sa personne et surtout en sa descendance à une famille étrangère.
La dot et la perpétuation de la famille
Certaines sociétés, des plus « civilisées » comme des plus primitives, considèrent la femme comme un moyen de perpétuer la lignée du mari et témoignent à la mère un respect qu'elles refusent à l'épouse. Le mariage est pour elles une institution destinée à assurer une descendance à l'époux et la dot, comprise[...]
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Écrit par
- Annie ROUHETTE : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar
Classification
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