SIRK DOUGLAS (1897-1987)
Douglas Sirk a conquis sa place dans l'histoire du cinéma américain avec une série de mélodrames réalisés dans les années 1950 pour les studios Universal. Produits par Ross Hunter, interprétés par une manière de « troupe » au sein de laquelle se détachent les noms de Rock Hudson, Robert Stack, Dorothy Malone ou Jane Wyman, ces films eurent l'heur de plaire à la fois à un vaste public et à une critique cinéphile qui savait goûter l'alliance du Technicolor et de l'inspiration mélodramatique. Si caractéristiquement hollywoodiens qu'ils paraissent, ils n'en étaient pas moins l'œuvre d'un Allemand qui arriva à Los Angeles à plus de quarante ans au début de la Seconde Guerre mondiale. Sa production, qui appartient sans conteste au cinéma populaire américain, était en outre signée d'un prince de la culture, étudiant des meilleures universités, traducteur de Shakespeare à vingt ans et grand homme du théâtre allemand de l'entre-deux-guerres. De plus, Douglas Sirk était depuis son jeune âge profondément marqué par la culture américaine : du western à la lecture de Walden, c'est tout un pan de l'esprit du Nouveau Monde qui avait été préalablement fréquenté, aimé et bien digéré par ce jeune homme distingué. Ici résident sans nul doute l'explication d'une acclimatation réussie et les raisons d'un transfert culturel d'importance – banal, si on évoque les noms de Lang, Preminger, Wilder ou Siodmak ; singulier, quand on prend la mesure d'un grand écart que le cinéaste n'eut de cesse de masquer et de minimiser.
La période allemande
Hans Detlef Sierck est né à Hambourg en 1897 (et non en 1900 comme il le prétendit longtemps) de parents danois. Il passe une partie de sa petite enfance à Skagen dans la partie septentrionale du Jutland, au Danemark. Par la suite, ses parents vont se fixer à Hambourg et prirent la nationalité allemande. Brillant sujet, il étudie le droit à Munich, la philosophie à Iéna et l'histoire de l'art à la nouvelle université de Hambourg, point d'incandescence de la recherche allemande où enseignent Ernst Cassirer et Erwin Panofsky. L'étudiant Sierck sera durablement marqué par les leçons du fondateur de l'iconologie qui commençait alors d'exploiter pleinement la première bibliothèque d'Aby Warburg. Mais la vraie passion du futur cinéaste est le théâtre. Il commence en occupant la fonction de dramaturg – sorte de critique en résidence, la fonction fut créée par Lessing – au théâtre de Hambourg. Il devient vite metteur en scène, à Chemnitz, à Brême (de 1923 à 1929), puis à Leipzig où il fait alterner la représentation des classiques et le répertoire contemporain : il produit notamment Le Lac d'argent de Georg Kaiser (avec une musique de Kurt Weill), spectacle qui provoque la fureur des nazis qui viennent d'arriver au pouvoir.
La situation de Sierck devient dès lors compliquée, voire inextricable. Il a épousé en premières noces l'actrice Lydia Brincken qui devient après leur divorce une nazie fervente. Leur fils Klaus Detlef (Sierck), né en 1925, devient l'enfant-vedette du cinéma hitlérien. Pendant ce temps, Sierck se remariait avec Hilde Jary – qui était juive. Et il venait de devenir un cinéaste important de la U.F.A., commençant sa carrière en 1935 (Avril ! Avril !, Das Mädchen von Moorhof), connaissant un premier vrai succès avec Accord final (1936), et deux triomphes consécutifs en 1937, avec des films dont le rôle principal est tenu par Zarah Leander, actrice et chanteuse d'origine suédoise devenant de fait la plus grande star du cinéma allemand. Paramatta, bagne de femmes et La Habanera permettent surtout à Sierck de s'affirmer comme l'un des grands maîtres du genre qui sera désormais le sien : le mélodrame. Le cinéaste reprend dans le premier film[...]
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Écrit par
- Marc CERISUELO : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée
Classification
Autres références
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HUDSON ROCK (1925-1985)
- Écrit par André-Charles COHEN
- 477 mots
- 1 média
Roy Fitzgerald est né à Winnetka, dans l'Illinois. Il débute sous le nom de Rock Hudson dans Les Géants du ciel de Raoul Walsh, aux côtés de Robert Stack, et fait ses classes dans de nombreuses productions de la firme Universal, d'où émergent Winchester 73 d'Anthony Mann (1948), ...