Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SIRK DOUGLAS (1897-1987)

Des mélodrames « flamboyants »

Sa première femme l'empêchant de voir son fils au prétexte que sa seconde épouse est juive, Sierck attend jusqu'à l'ultime moment pour embarquer vers l'Amérique par le dernier bateau qui partait de Hollande où il venait de réaliser Boefje (1939), après un passage à Paris, et le tournage de la version française d'Accord final. Le cinéaste arrive au plus mauvais moment à Hollywood. L'appui du Film Fund créé par Lubitsch pour aider ses compatriotes ne suffit pas à mettre le pied à l'étrier aux nombreux professionnels du cinéma allemand, jugés au mieux surnuméraires, et souvent soupçonnés bien à tort d'être « des boches parmi nous » (en version originale : « the Huns within us »). Philosophe, et lecteur de Thoreau depuis l'adolescence, Douglas Sirk – tel est son nom désormais – décide de se consacrer à l'élevage des poulets dans la vallée de San Fernando.

Le salut viendra de Paul Kohner, « le magicien de Sunset Boulevard », l'agent aux mille tours qui le met en contact avec Seymour Nebenzal, producteur indépendant pour lequel il réalise ses deux premiers films américains. Hitler's Madman (1942) partage avec Les bourreaux meurent aussi (F. Lang, 1943) son personnage principal : Heydrich, « le boucher de Prague ». À la différence du film de Fritz Lang qui commence vraiment après l'assassinat du Gauleiter de Bohême et de Moravie, l'œuvre de Sirk – parangon de la première production hollywoodienne antinazie – s'attache à la figure de Heydrich (interprété par John Carradine), à la représentation des représailles et au massacre des villageois de Lidice et Lezaky. Sirk enchaîne avec L'Aveu (1944), adaptation de Tchekhov, qui fournit l'occasion de la première des trois collaborations avec George Sanders. Scandal in Paris (1946), où le suave acteur anglais d'origine russe incarne notre Vidocq national, est le premier chef-d'œuvre américain de Sirk. Œuvre baroque, tissée de plis et de replis, où la lutte de saint Georges avec le dragon devient le motif d'un manichéisme souriant, le film est un miracle d'ironie – qui doit beaucoup à son producteur, Arnold Pressburger. Sirk se livre alors à une remarquable traversée des genres hollywoodiens : Des filles disparaissent (1947) et L'Homme aux lunettes d'écaille (1948) renouvellent le policier à l'anglaise et le film qui a un mari criminel pour protagoniste. Slightly French (1949) est un étonnant métafilm sur fond de comédie sentimentale ; Has Anybody Seen My Gal ? (1952) et Meet Me at the Fair (1953) apparaissent comme d'étranges et attachantes comédies musicales sur fond d'Americana, mêlant visions champêtres et traditionnelles du pays profond. Le cinéaste illustre aussi le film religieux (The First Legion, 1951) ou historique (Le Signe du païen, 1954) et le western avec Taza, fils de Cochise (1954), qui ouvre l'ère de sa collaboration avec Rock Hudson. Tout est prêt désormais pour la précipitation finale : douze films tournés en cinq ans (dont quatre pour la seule année 1954), et la reconnaissance éperdue des jeunes critiques français qui verront dans chacune de ces productions la quintessence du cinéma hollywoodien.

<it>Tout ce que le ciel permet</it>, de Douglas Sirk - crédits : Universal Pictures Company, Inc./ Collection privée

Tout ce que le ciel permet, de Douglas Sirk

Les huit mélodrames tournés pour Universal (le studio de Sirk depuis 1951) et placés sous la férule de Ross Hunter (son producteur depuis 1953) ont si durablement marqué l'imaginaire cinéphile que l'on oublierait presque que la moitié d'entre eux sont des remakes des grands succès que le studio de Carl Laemmle produisait dans les années 1930. Le premier de la série, Le Secret magnifique (1954), dont la version initiale avait été réalisée par John M. Stahl en 1935, est l'un des sommets du romanesque de l'invraisemblable. Jugeons du peu : un fils à papa arrogant et bien de sa personne[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée

Classification

Autres références

  • HUDSON ROCK (1925-1985)

    • Écrit par
    • 477 mots
    • 1 média

    Roy Fitzgerald est né à Winnetka, dans l'Illinois. Il débute sous le nom de Rock Hudson dans Les Géants du ciel de Raoul Walsh, aux côtés de Robert Stack, et fait ses classes dans de nombreuses productions de la firme Universal, d'où émergent Winchester 73 d'Anthony Mann (1948), ...