DRAME Drame romantique
Le drame romantique est en fait une forme théâtrale neuve, en rupture brutale avec les œuvres antérieures, et qui s'est cherché des garants essentiels : Shakespeare, la tragédie grecque. Rupture de l'unité classique, ouverture sur le monde et sur l'histoire, refus de la distinction du comique et du tragique, autant d'aspects d'une révolution irréversible. Plus longue et plus profonde en Allemagne, plus spectaculaire en France, la révolution romantique n'a pas porté tous ses fruits au xixe siècle. Loin d'être marginal dans l'univers du théâtre, le drame qui en est issu n'a sans doute trouvé sa vitesse de croisière qu'au xxe siècle, avec Maeterlinck, Claudel, Genet. Les œuvres qu'il a produites sont parfois géniales, parfois inégales, toujours troublantes et fécondes ; il a fallu la révolution scénique du xxe siècle pour qu'on puisse les jouer et les comprendre. Le drame romantique est loin d'être une réalité simple historiquement bien définie. Il revêt selon les pays des aspects différents, naît et meurt à des moments divers ; il apparaît à la fin du xviiie siècle en Allemagne, après 1825 en France.
Traits généraux
Le drame romantique s'affirme avant tout comme révolution par rapport aux formes et aux idées qui l'ont précédé.
Il se veut une révolution historique, ou mieux historiciste. Dans tous les pays, la première revendication d'un auteur de théâtre romantique sera de prendre en compte la transformation actuelle de la société par référence à des moments antérieurs décisifs du passé national, ou même du passé d'autres nations. La nouveauté réside alors dans la prise en compte de l'histoire comme mouvement imprimé à la totalité d'une société ; d'où le gigantisme d'œuvres telles que le Cromwell de Hugo, le Wallenstein de Schiller. Comme dans Shakespeare, il faut montrer une histoire qui ne se fait pas seulement dans les antichambres de palais, mais dans les campagnes et les places publiques. Le Goetz von Berlichingen de Goethe répond à ce schéma, tout comme Henri III et sa cour de Dumas. Le drame, contrairement à la tragédie, requiert donc une histoire totale, et, par un paradoxe fécond, seul un récit gardant le parfum du passé (la fameuse couleur locale) doit permettre à l'homme du xixe siècle de penser son propre destin : ainsi, dans le Ruy Blas de Hugo (1838), la décadence de la monarchie espagnole du xviie siècle éclaire celle de la monarchie de Louis-Philippe.
Le drame romantique se caractérise par un effort de vérité historique et même par une certaine forme de réalisme aboutissant à une véritable révolution formelle, qui se manifeste aussi bien dans la compréhension en profondeur des luttes (La Mort de Danton de Büchner) que dans l'attention aux détails de la vie concrète du passé. Il est trop évident que mettre en scène le mouvement d'une société implique l'obligation de se débarrasser du carcan des fameuses trois unités du théâtre classique, en montrant l'impact des événements en des lieux divers, en assurant au récit une certaine suite temporelle qui excède les vingt-quatre heures classiques. Enfin, la mise en sommeil des trois unités autorise une liberté plus grande dans la construction d'images visuelles frappantes et de tableaux. Mais ce dernier point est aussi la raison profonde des difficultés que connaîtra le drame romantique du xixe siècle. L'appareil théâtral reste presque partout en Europe lourdement décorativiste : on représente les tableaux historiques d'une façon pittoresque et somptueuse. Il devient donc impossible de multiplier les changements de décors trop lents et trop coûteux. Les auteurs romantiques sont dès lors condamnés à une esthétique de compromis (Schiller, Hugo, Dumas, Vigny), ou bien à écrire pour une scène imaginaire, sans espoir d'être joués[...]
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Écrit par
- Anne UBERSFELD : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III
Classification
Médias
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