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DRAME Drame romantique

Les théories

La théorie du drame romantique connaît son début en Allemagne en plein xviiie siècle avec Lessing et sa Dramaturgie de Hambourg (Laocoon, 1766) qui annonce d'abord le drame bourgeois. Ces textes décisifs marquent une rupture violente avec les idéaux du classicisme français et sont un plaidoyer énergique pour la liberté dans l'art et pour la vérité du contenu et du style, contre les conventions dramaturgiques de la tragédie. Ils marquent une réaction nationale contre la suprématie du goût français, qui exprime aussi une réaction bourgeoise contre un art tenu pour aristocratique et monarchique.

La lutte recommence en Allemagne lors des premières années du xixe siècle. August von Schlegel reprend en les radicalisant les critiques de Lessing contre la suprématie française (Cours de littérature dramatique, professés à Vienne en 1809, traduits en français en 1813). Il plaide pour le modèle shakespearien et pour la liberté des formes théâtrales. Les textes théoriques de Schlegel, écrits après la presque totalité des drames allemands à l'exception des textes de Büchner, ont eu beaucoup plus d'influence en France qu'en Allemagne. C'est le groupe de Coppet qui a servi de courroie de transmission entre la littérature dramatique allemande et le romantisme français. Madame de Staël reprend les thèses principales de Schlegel concernant le modèle shakespearien et la libération des formes. Mais le vrai théoricien théâtral du groupe de Coppet reste Benjamin Constant qui, dans la Préface à sa propre adaptation du Wallenstein de Schiller (1809), écrit la première charte en français du drame romantique. Il y expose une vue totalisante du drame en réclamant la peinture d'« un caractère entier », d'« une vie entière », contre toute limitation arbitraire des structures spatio-temporelles et du nombre des personnages ; il demande aux auteurs dramatiques de renoncer « au respect puéril des trois unités », « à la pompe poétique », et, le premier, fait de la couleur locale la base de toute vérité.

Dans l'Éloge de Shakespeare qui ouvre la traduction de Shakespeare par Letourneur revue par ses soins (1821), François Guizot apporte au drame la caution du grand ancêtre et réclame des formes théâtrales capables de restaurer une «  fête populaire » : « Telle est la nature de la poésie dramatique : c'est pour le peuple qu'elle crée, c'est au peuple qu'elle s'adresse. » Il plaide donc pour l'élargissement du public de théâtre à toutes les couches sociales.

Avec Racine et Shakespeare (1823-1825), Stendhal, « hussard du romantisme » selon Sainte-Beuve, insiste sur une idée force, la nécessité d'actualiser des formes théâtrales sclérosées : il appelle de ses vœux « une tragédie nationale en prose » qui offrirait aux contemporains les trésors de leur histoire tout en s'appuyant sur les réalités du présent. D'où la nécessité d'une forme réaliste : il faudrait au théâtre que « les événements ressemblent à ce qui se passe tous les jours sous nos yeux ».

Le grand manifeste du drame romantique reste, on le sait, la Préface de Cromwell de Victor Hugo. L'inspiration en est toute différente. En même temps qu'il combat contre les « deux unités » (temps et lieu) et en faveur du mot propre et de la couleur locale, Hugo affirme que le drame tel qu'il n'existe pas encore en France en 1827 a pour lui des garants, une tradition : il développe ainsi le tableau d'une contre-culture, populaire et grotesque, qui « s'épanouit au xvie siècle avec trois Homère grotesques, Rabelais, Shakespeare, Cervantes ». Le drame en est la suite, et l'essentiel pour lui est de pouvoir tout dire, le mal et le bien, le beau et le laid, le plaisant et l'horrible. Mais, pour tout dire, il faut « le prisme de[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III

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Médias

William Shakespeare - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

William Shakespeare

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Schiller

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Victor Hugo à Guernesey en 1870

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