DRAME Drame romantique
Les œuvres
L'Allemagne
C'est dans l'Allemagne du xviiie siècle, morcelée, archaïque, empêtrée dans une féodalité désuète et un piétisme petit-bourgeois suffocant que jaillit avec force le nouveau drame. Peut-être parce que justement cette Allemagne ne connaît pas le poids d'une tradition littéraire classique. Le Sturm und Drang, mouvement de révolte de la jeunesse intellectuelle, implique aussi la nécessité de se ressourcer au passé national. Ainsi naît ce qu'on peut appeler le premier drame romantique, le Goetz von Berlichingen de Goethe (1773), histoire d'un fameux reître du xvie siècle qui prit le parti des paysans révoltés avant d'échouer et de disparaître. Les traits fondamentaux de l'écriture théâtrale romantique apparaissent déjà dans cette œuvre exempte de confusion.
Schiller
Mais la grande figure du drame romantique allemand est celle de Schiller, qui donne le premier exemple achevé d'un drame mettant en jeu la contradiction entre la fatalité tragique et la liberté du héros. Schiller est parvenu à faire se croiser un drame passionnel et un problème historique ; sa première œuvre, Les Brigands (1781), a connu un succès éclatant. Elle traduit avec une violence extrême la révolte contre le despotisme, l'hypocrisie, les deux fléaux de l'univers social. Même si, cependant, les limites morales à la liberté du héros sont clairement marquées. Le conflit dans le drame aboutit à une sorte de vue kantienne de la liberté et de catharsis morale. La violence des conflits, le dédain de la structure classique, l'importance décisive de l'histoire, le sentiment national, autant de traits marquants du drame schillérien (Wallenstein, 1799 ; Marie Stuart, 1800 ; Guillaume Tell, 1804). Ce qui a frappé les contemporains, c'est aussi l'importance de la passion chez Schiller, son caractère de force positive et ses vertus critiques : le sentiment amoureux est une pierre de touche qui permet de juger et de combattre une société perverse (Les Brigands, Don Carlos, 1783-1787, Intrigue et amour, 1784) en mettant en lumière leurs fausses valeurs. Le souci de l'éthique donne parfois au drame de Schiller une sorte de raideur moralisante.
Kleist
Heinrich von Kleist est le premier de ces dramaturges qui ne réussissent pas à faire jouer leurs pièces. Son drame est plus que tout autre centré autour de la personne d'un héros problématique (Penthésilée, le prince de Hombourg, le juge de La Cruche cassée). Une ambiguïté fondamentale s'installe donc autour de lui : amoureuse d'Achille, Penthésilée finit par le tuer et le dévorer ; le juge à la recherche du coupable est ce coupable même ; est-ce un coup de génie ou bien une indiscipline qui mérite la mort qui a donné la victoire au prince de Hombourg ? Une sorte de passion suicidaire fait sortir d'eux-mêmes les personnages avant de les plonger dans le néant ou dans la victoire. Comme Kleist le montre dans son texte décisif, Sur le théâtre des marionnettes (1810), quelque chose dépasse au théâtre la conscience et la raison du héros, que ce soit la grâce spontanée de l'être, l'intuition divine, la perfection indicible de la marionnette, la vigueur sauvage et parfaite de l'animal. Forme accomplie du drame romantique, l'œuvre de Kleist représente donc avant tout une mise en question du sujet dans son rapport au monde. Après Amphitryon, réécriture originale de l'œuvre de Molière, ses grandes créations théâtrales seront Penthésilée (1808), La Bataille d'Arminius (1809), La Petite Catherine de Heilbronn (1810), Le Prince de Hombourg (1811) et La Cruche cassée (1811).
Büchner
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Écrit par
- Anne UBERSFELD : ancienne élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III
Classification
Médias
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