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DRIVE MY CAR (R. Hamaguchi)

Le théâtre de la parole

L’emploi du temps de Kafuku se partage entre le choix des interprètes pour sa pièce et les trajets en voiture jusqu’à sa résidence. Les auditions se déroulent dans un espace clos, mais constituent un univers dense et polyphonique où le metteur en scène teste des acteurs japonais, taïwanais, indonésiens et même une actrice coréenne muette, accompagnée d’un traducteur approprié. Takatsuki, l’ancien amant de sa femme, participe au casting : Kafuku l’engage. Le texte est d’abord lu de manière mécanique, en plusieurs langues et idiomes, afin que chacun s’en imprègne au mieux. On pense ici un peu à Out 1 de Jacques Rivette (1971) et à ses longues répétitions. Diverses relations vont se nouer en rapport, mais aussi en opposition, au texte et à la distribution des rôles. Kafuku n’endossera le personnage d’oncle Vania qu’à la fin, après divers désistements. Ce foisonnement de paroles et d’affects est ponctué de trajets en voiture qui amènent le metteur en scène et sa conductrice à se révéler. Ce lent rapprochement (jamais amoureux) les entraînera, en une sorte d’échappée, d’Hiroshima à l’île d’Hokkaidō.

Hamaguchi confie s’être inspiré du cinéaste iranien Abbas Kiarostami qui filme souvent ses protagonistes à l’intérieur de véhicules, espaces clos et mouvants où la parole peut s’échanger jusqu’à devenir prépondérante et commander la fiction. Le metteur en scène évoque à nouveau Oto avec Misaki et la cassette des extraits d’Oncle Vania qu’il continue d’écouter ainsi qu’avec Kōji Takatsuki qui fait la jonction entre l’univers intime et celui de la création en devenir : ce sont les deuxième et troisième mouvements du film qui s’interpénètrent, chacun faisant écho aux interrogations de Kafuku. De son côté, les confessions de Misaki tournent autour d’une culpabilité personnelle : elle se croit responsable de la mort de sa mère. Hamaguchi emprunte le thème du deuil et de la persistance fantomatique des êtres, chers à Kiyoshi Kurosawa qui a été son professeur de cinéma à l’université en 2006.

Drive MyCar ne délivre pas de message final. Comme tous les films de ce réalisateur, c’est dans le corps même du film, dans chaque strate de sa narration que se déploient des significations qui, toutes, tournent autour de l’expression de l’intime.

— Raphaël BASSAN

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Média

<em>Drive My Car</em>, R. Hamaguchi - crédits : Bitters End/ C&I Entertainment/ BBQ_DFY/ Aurimages

Drive My Car, R. Hamaguchi