ANIMALIER DROIT
Le droit animalier existe-t-il ? Si l'on entend par droit un corpus structuré et cohérent de normes juridiques, une réponse négative s'impose. En effet, les règles applicables à l'animal sont pour l'heure dispersées entre une multitude de domaines : le droit pénal (réprimant les actes de maltraitance ou encore le vol), le droit des biens (régissant les conditions de son appropriation), le droit de la responsabilité (fixant les conditions et les modalités de réparation des dommages qu'il cause ou qui lui sont causés), le droit de l'environnement (protégeant les espèces menacées), le droit de la chasse, le droit de l'élevage, le droit rural, de l'expérimentation, des brevets et bien d'autres encore. L'éparpillement de ces règles entre une multitude de sources exclut de reconnaître le droit animalier comme une branche du droit en tant que tel. En revanche, si l'on opte pour une définition plus modeste, envisageant le droit animalier comme un ensemble de règles éparses dont le point commun (et le seul) est de s'appliquer à l'animal, alors il est possible de conclure à son existence.
Son objet, au sens large, est de régir les relations entre l'homme et l'animal. Certaines de ses règles sont étrangères à la notion de protection : elles fixent les responsabilités encourues en cas de dommage causé à ou par un animal, elles définissent les conditions de garde de celui-ci à la suite de la séparation d'un couple ou encore en déterminent les modalités de vente. Toutefois, le droit animalier est pour l'essentiel un droit de la protection. Il fixe des limites et établit des prescriptions. Il détermine ce qui est autorisé et ce qui est défendu, signifiant, par son existence, que les relations entre l'homme et l'animal ne sont pas laissées à la discrétion de tout un chacun, mais sont au contraire soumises au respect de principes fixés par la loi et applicables à tous. La présence de règles, y compris celles qui encadrent une activité défavorable à l'animal (chasse, expérimentation, abattage), est en soi une protection puisqu'elle vient limiter la liberté du fort (l'homme) sur le faible (l'animal), sur le modèle des domaines juridiques gouvernant une relation par nature déséquilibrée (par exemple la relation employeurs-salariés dans le cas du droit du travail, ou encore la relation fabricants-consommateurs dans celui du droit de la consommation). Une règle, même insatisfaisante, est regardée comme préférable à un pouvoir affranchi de toute limite.
Formation historique
En schématisant, il est possible de retenir trois grandes étapes dans la formation du droit animalier.
L'acte I est celui des premiers textes. En Orient, l'empereur Aœoka, qui régna sur une large partie du sud de l'Asie au cours du iiie siècle avant notre ère, fit édicter plusieurs lois exigeant le traitement compassionnel des animaux. Il posa également une interdiction d'abattage de plusieurs animaux, tout comme le fit l'empereur Harsha au cours du viie siècle. En Occident, où la considération portée à l'animal est plus récente, le premier texte prescriptif apparaît au xvie siècle. En 1567, le pape Pie V édicte une bulle intitulée De Salute Gregis (« Sur le salut du troupeau »), qui déclare l'interdiction totale des jeux taurins. Si le texte intervient à une époque de formation de l'État, dans un contexte où pouvoir spirituel et pouvoir temporel se disputent la légitimité de l'organisation sociale, il n'en émane pas moins d'une autorité religieuse et revêt, par conséquent, la nature d'un acte de droit canon. Le premier texte authentiquement civil est, pour beaucoup, l'Act to Prevent the Cruel and Improper Treatment of Cattle, plus connu sous le nom de Martin's Act (du nom de son promoteur, Richard Martin), adopté par le Parlement[...]
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Écrit par
- Olivier LE BOT : agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Nice-Sophia-Antipolis
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