ANIMALIER DROIT
Fondements juridiques
Intérêts de l'animal et intérêts de l'homme
La sensibilité et le respect de l'animal sont à l'origine de l'essentiel des règles du droit animalier. La sensibilité de l'animal, c'est-à-dire sa capacité à ressentir de la souffrance ou du plaisir, est au cœur des législations protectrices adoptées dans les pays occidentaux. Imprégnés des principes de l'école utilitariste (Jeremy Bentham au xixe siècle, Peter Singer au xxe siècle). Elles reposent sur l'idée d'abolir les souffrances inutiles, et de réduire les souffrances regardées comme utiles. En Orient, et plus spécialement en Inde, les réglementations édictées reposent sur un fondement sensiblement différent, qui tient au respect de l'animal. La philosophie sous-jacente, influencée par les représentations hindouistes et bouddhistes, repose sur l'exigence de garantir la valeur de la vie sous toutes ses formes, humaine mais aussi animale.
Si ces deux considérations sont à l'origine de la majeure partie des règles constituant le droit animalier, un nombre non négligeable de lois et instruments juridiques ont néanmoins été inspirés de préoccupations anthropocentriques n'ayant en considération que les intérêts humains. Ils visent, par exemple, à permettre les échanges commerciaux (en déterminant le mode de cession des animaux), à préserver l'environnement de l'homme, dont l'animal est alors conçu comme une composante désincarnée, ou encore à protéger la morale publique, à l'image de la loi relative aux mauvais traitements envers les animaux domestiques adoptée en 1850 (loi Grammont). Cette loi, en effet, n'interdisait les mauvais traitements envers les animaux que si ceux-ci étaient réalisés en public, les actes de cruauté étant parfaitement admissibles en privé. Ainsi, la loi ne visait nullement à protéger l'animal en tant que tel, mais plutôt à réprimer un instinct de perversité susceptible de se reporter de l'animal vers l'homme. Cet exemple montre que des législations incontestablement protectrices peuvent résulter de considérations exclusivement anthropocentriques.
Doctrines actuelles
À l'époque actuelle, la question des relations entre l'humanité et l'animalité est, dans le domaine philosophique, dominée par les auteurs anglo-saxons. Cette influence se retrouve dans le domaine juridique, les termes des différents débats étant très largement définis là aussi par les juristes anglo-saxons (sans que, pour autant, la richesse des discussions n'emporte dans ces pays une supériorité des protections). Deux grandes écoles s'opposent sur les orientations à donner au droit animalier : les « welfaristes », d'une part, les « abolitionnistes », d'autre part. Le but des premiers est le bien-être des animaux, l'objectif des seconds est l'abolition de leur « exploitation », entendue comme la fin de leur utilisation quels qu'en soient l'objet et la justification.
Les welfaristes (de l'anglais welfare, qui signifie « bien-être ») promeuvent l'adoption de règles de nature à améliorer le bien-être animal, et à réduire ou éviter sa souffrance dans son utilisation quotidienne par l'homme. L'élévation des garanties juridiques peut être regardée, selon la sensibilité des représentants de ce courant, soit comme une fin en soi, soit comme une première étape vers l'abolition. Ce point de vue est réformiste, acceptant l'utilisation de l'animal, dans certaines limites, et s'efforçant d'améliorer sa situation par l'édiction de règles toujours plus contraignantes (par exemple une dimension des cages étendue, ou encore des conditions de transport et de mise à mort limitant le stress éprouvé).
À la différence des welfaristes, les abolitionnistes optent[...]
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Écrit par
- Olivier LE BOT : agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Nice-Sophia-Antipolis
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