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MINORITÉS DROIT DES

Le terme de minorité, aussi fréquemment utilisé que rarement défini, est devenu au cours du xxe siècle l'un de ces mots passe-partout que chacun utilise sans être sûr que son voisin lui donne le même sens. Pour sortir du flou habituel à la matière, précisons tout d'abord que nous nous intéresserons exclusivement au fait minoritaire de portée politique, en tant que revendication de droits collectifs particuliers. C'est selon ce critère politique que nous parlerons des minorités ethniques, culturelles, linguistiques, nationales et religieuses. Les phénomènes minoritaires d'ordre plus nettement sociologique, où des comportements différenciés en raison par exemple de l'âge, du statut ou de la sexualité débouchent sur la revendication de droits identiques pour tous, ne seront donc pas ici étudiés.

Nous retiendrons comme définition de départ celle donnée par Francesco Capotorti et Jules Deschênes dans une étude pour l'O.N.U. de 1991 : une minorité est « un groupe numériquement inférieur au reste de la population d'un État, en position non dominante, dont les membres – ressortissants de l'État – possèdent, du point de vue ethnique, religieux ou linguistique, des caractéristiques qui diffèrent du reste de celles de la population et manifestent, même de façon implicite, un sentiment de solidarité, à l'effet de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue ».

Depuis la fin de la guerre froide, au début des années 1990, les crises ou les tensions liées à des situations minoritaires occupent l'essentiel de l'actualité internationale. Du Tibet au Timor-Oriental, du Kosovo au Québec, les « vécus minoritaires difficiles » se sont multipliés et exacerbés sur l'ensemble de la planète. Or cette tendance n'est pas près de prendre fin dans la mesure où le phénomène identitaire, comme prise de conscience et réappropriation, par une communauté, de ce qui la distingue, a tout lieu de prospérer dans un contexte d'affaiblissement de l'autorité des États. Dans les développements qui vont suivre, nous tenterons, dans une première partie, de retracer l'histoire de la notion de minorité et d'en dresser une typologie valable pour notre temps. Puis, dans une seconde partie, nous examinerons les instruments juridiques mis en place progressivement pour assurer la protection des minorités. La vaste question des minorités trouve dans ce cadre sa limite conceptuelle qui est de rester en deçà de la mise en cause de l'intégrité de l'État, c'est-à-dire de la sécession ; il s'agit d'une problématique différente, qui ne retiendra pas notre attention ici.

Les minorités dans l'ordre social

Avant d'examiner la situation actuelle des minorités, il convient de jeter un regard en arrière.

Émergence historique de la notion

Depuis que notre globe comporte des nations, il a toujours existé des minorités en ce sens que des groupes de langue et de culture différentes ont vécu plus ou moins dispersés au sein de peuples numériquement majoritaires. Sans remonter au royaume de Sumer ni à l'Égypte pharaonique, rappelons, par exemple, que l'Espagne médiévale comportait des minorités juives et arabes ou que le grand-duché de Lituanie garantissait une protection spécifique aux juifs. Ces protections, dont le présupposé et le corollaire étaient le caractère inféodé (notamment au plan économique) du groupe minoritaire, constituaient une concession volontaire du prince à certains de ses sujets, et traduisaient une simple manifestation de « tolérance », allant d'ailleurs le plus souvent dans le sens de son intérêt.

Les avantages ainsi accordés étaient cependant toujours liés au bon vouloir du souverain et révocables sans préavis. Le statut des juifs polonais au Moyen Âge offre l'illustration d'une telle politique. En[...]

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Procès de Nuremberg et procès de Tokyo, 1945-1946 - crédits : The Image Bank

Procès de Nuremberg et procès de Tokyo, 1945-1946

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