DROIT DIVIN
Désigne tout d'abord la loi divine de l'Église telle qu'elle se trouve consignée dans les Écritures, fondement immuable puisque sacré à partir duquel, s'adaptant aux situations nouvelles, l'Église élabore le droit canonique.
Le droit divin des rois exprime une certaine conception du pouvoir. Depuis l'époque carolingienne et l'institution du sacre royal, on considère que le monarque reçoit de la Providence la mission de conduire le peuple de Dieu vers la Cité éternelle. Mais de nombreux théologiens insistent sur le fait que, si ce pouvoir vient de Dieu, il est confié au roi par l'intermédiaire du peuple et pour le « commun profit », soit qu'il le délègue une fois pour toutes à une famille (France), soit que le monarque soit élu (Allemagne). Cette intervention de la Providence aboutit à investir le roi d'une mission, à la fois temporelle et spirituelle, et à faire du monarque en quelque sorte un roi-prêtre.
Cependant, le conflit des souverains d'Occident et du pape, à partir du xie siècle, conduit à modifier et à affiner cette conception. Sous l'influence du droit romain, on dissocie de nouveau le spirituel et le temporel ; la notion d'État et d'un droit naturel de l'État reparaît. D'autre part, l'idée se répand, aux xiie et xiiie siècles, que ce n'est pas le roi dans sa personne propre qui possède l'autorité suprême (« Ce qui plaît aux princes vaut loi », 1260), mais la royauté elle-même (« Le roi est mort. Vive le roi ! »). Cela qui aboutit à justifier la théorie du tyrannicide : puisque le pouvoir a été confié au roi pour qu'il l'exerce dans l'intérêt général, s'il en est indigne, il est licite de le lui retirer.
C'est entre le xvie et le xviiie siècle que se cristallise la théorie de la monarchie de droit divin telle que nous l'entendons aujourd'hui, à savoir que le pouvoir du roi vient directement et immédiatement de Dieu, sans l'intermédiaire du peuple, et qu'il n'est responsable que devant Dieu. Cette doctrine a été violemment exprimée au xvie siècle pour réfuter la théorie du tyrannicide et affirmer la totale indépendance du roi vis-à-vis du pape. Elle a séduit les gallicans, qui supportaient mal l'intervention du souverain pontife dans les affaires de France. Aux états généraux de 1614, le tiers demande que cette nouvelle définition de la monarchie soit inscrite parmi les lois fondamentales du royaume ; au cours du xviie siècle, cette doctrine gagne de plus en plus de sympathisants au sein du clergé, qui lui était d'abord très hostile. Nul doute qu'elle ne serve les souverains jaloux de leur autorité et surtout Louis XIV. Elle renforce l'absolutisme — en attendant de le compromettre.
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Écrit par
- Pierre-Robert LECLERCQ : écrivain
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