DROIT Droit comparé
Science de la comparaison des droits, le droit comparé a pour objet de rechercher et d'expliquer les différences entre les divers ordres juridiques à une époque déterminée. Cette diversité est perçue comme un phénomène culturel, qui appelle l'étude non seulement des sources du droit positif des systèmes faisant l'objet de la comparaison, mais aussi de la structure des sociétés concernées, des modes de raisonnement qui y ont cours et des croyances et idéologies sous-jacentes. À ce titre, les liens qu'entretient le droit comparé avec la philosophie du droit et de l'histoire, avec la linguistique, la sociologie et l'anthropologie, ou encore avec les sciences économiques et politiques, lui confèrent une vocation académique unique au sein des disciplines juridiques, dont l'hermétisme traditionnel à l'égard des sciences sociales tend à s'accentuer à mesure que se renforcent les exigences de la spécialisation professionnelle.
Paradoxalement, cette branche, qualifiée au début du xxe siècle de « nouvelle venue » dans le cursus académique par le comparatiste Édouard Lambert (1866-1947), se cherche toujours en tant que discipline scientifique. Plus d'un siècle après que le premier congrès international de droit comparé, tenu à Paris en 1900, lui a reconnu sa légitimité universitaire, force est de reconnaître que, dans la plupart des pays, le comparatiste (s'il existe...) jouit d'un prestige limité auprès de ses pairs, tandis que la matière est généralement perçue comme favorisant l'accumulation stérile d'informations éparses et non systématisées, de valeur tout au plus anecdotique pour les diverses branches de droit positif qu'elles peuvent concerner. Il est vrai aussi que c'est la pratique même de la comparaison qui contribue parfois à ternir l'image de cette discipline, se confondant trop souvent avec la simple juxtaposition d'études ponctuelles consacrées à tel ou tel système, voire à telle ou telle règle étrangère, et négligeant les exigences d'ordre épistémologique qui confèrent à cette matière toute sa légitimité scientifique. Si cette insuffisance de la pratique peut être constatée en Europe continentale, berceau de la discipline, on peut remarquer que, aux États-Unis, les grands courants intellectuels qui bouleversent depuis quelques décennies l'ensemble des sciences sociales semblent avoir largement délaissé cette branche d'études.
Les progrès de l'intégration européenne dans les années 1990 tendent cependant à donner un nouvel éclat à la démarche comparatiste en Europe, du moins dans les domaines du droit privé, en lui assignant une utilité pratique immédiatement perceptible tout en entrouvrant la perspective, intellectuellement stimulante, d'une renaissance d'un droit savant commun aux nations européennes et évocateur du ius commune enseigné dans les universités du Moyen Âge. Mais ce serait un tort de lier trop exclusivement l'objet de cette discipline à l'étude des droits européens, ou d'associer sa méthodologie de façon nécessaire à la recherche de l'uniformité des ordres juridiques. D'autres priorités se font sentir à l'heure où les flux d'immigration vers les pays occidentaux produisent des confrontations de cultures, où la mondialisation de l'économie rend les relations internationales de plus en plus hétérogènes et où les divers droits étatiques font eux-mêmes l'objet d'un véritable marché. La compréhension de la diversité et l'apprentissage de la tolérance devraient occuper une place prioritaire dans le cursus universitaire, en même temps qu'une réflexion renouvelée sur le phénomène juridique et ses rapports avec les autres sciences, notamment l'économie. Le droit comparé peut dans une large mesure pourvoir à ces besoins, à condition cependant qu'il affirme[...]
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Écrit par
- Horatia MUIR WATT : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur adjoint, Unité mixte de recherche de droit comparé de Paris (Paris-I-C.N.R.S.)
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