DROIT Économie du droit
Performances macro-économiques des systèmes juridiques
Les bénéfices pour les économistes ne sont pas moins significatifs. Une théorie économique robuste doit tenir compte des institutions et des règles juridiques. La valeur des produits échangés sur le marché dépend essentiellement des droits qui sont transférés. Les théoriciens des droits de propriété étudient comment les changements dans la définition des droits influencent les prix et l'allocation des ressources rares. De même, les spécialistes de l'économie du droit des contrats analysent l'intérêt des contrats incomplets pour assurer une meilleure prise en compte de l'incertitude inhérente à la plupart des activités économiques.
De plus, le droit ne fait pas qu'influencer les comportements des acteurs, il affecte également les organisations, leurs frontières aussi bien que leurs modes de fonctionnement. Les théories modernes de la firme montrent ainsi que le cadre institutionnel est un déterminant essentiel de la gouvernance des entreprises (relations entre actionnaires, dirigeants, salariés). L'économie du droit accroît ainsi le pouvoir explicatif et prédictif des modèles économiques. De ce fait, l'étude des normes juridiques et des institutions doit permettre aux économistes de participer aux réflexions normatives sur la production du droit. Les enjeux ne se situent plus simplement au niveau micro-économique, ils sont désormais de nature également macro-économique, dans la mesure où le « capital juridique » (tous les éléments attachés au cadre réglementaire et législatif) tend à devenir un facteur important de la croissance économique.
Ces perspectives nouvelles sont bien illustrées par les travaux qui mettent en avant le rôle des institutions juridiques dans le développement économique. L'idée est ancienne dans la mesure où les droits de propriété sont au cœur des analyses historiques de certains auteurs tels que Douglas North et Robert Thomas en 1973. Elle a pris une nouvelle ampleur avec les travaux menés par Raphael La Porta, Florencio Lopez-de-Silanes, Andrei Shleifer et Robert Vishny en 1998. Ces recherches, de nature macro-économétrique, ont servi de fondements scientifiques à la mise en place par la Banque mondiale, en 2003, du programme Doing Business (créer des emplois). La problématique de l'effet du droit sur le développement économique est devenue incontournable dans la mesure où la sécurité juridique est vue comme une condition indispensable à l’essor des échanges à travers sa capacité à réduire les coûts de transaction et à encourager le développement des investissements. Ces travaux soutiennent l'existence d'une corrélation entre système juridique et développement économique, en privilégiant le droit de common law.
D'une manière générale, la question posée est celle de la capacité d'adaptation du droit aux mutations de l'environnement économique. Ces études comparatives décrivent une situation dans laquelle les pays de common law offriraient une meilleure protection aux investisseurs que les pays de droit civil. Cette particularité expliquerait pourquoi les pays anglo-saxons ont des marchés financiers plus développés, une propriété du capital plus dispersée et des capitaux propres plus importants que ceux relevant de la tradition civiliste. Selon la thèse de « l'adaptabilité », les traditions juridiques qui seraient en mesure de réduire l'écart entre les besoins de l'économie et les capacités du système juridique contribueraient significativement au développement économique et financier des nations. De ce point de vue, la nature dynamique et décentralisée de production des normes juridiques serait à mettre en perspective avec les bases du droit codifié. En particulier, le Code civil né avec l'objectif de créer un système parfait et immuable, serait par nature plus statique et plus[...]
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Écrit par
- Bruno DEFFAINS : professeur à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, membre de l'Institut universitaire de France
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