EUROPÉEN DROIT
L'expression « droit européen », assez couramment employée à l'époque contemporaine, revêt plusieurs significations, dont aucune, au reste, ne correspond pleinement à la notion qu'elle devrait traduire.
Théoriquement, en effet, le droit européen devrait être un corps de règles applicables aux États de l'Europe comme, le cas échéant, à leurs ressortissants ou habitants ; elles pourraient être invoquées par les uns et par les autres, et édictées par un pouvoir législatif ou réglementaire européen, de caractère supranational ; théoriquement aussi, ce droit s'étendrait à toute l'Europe « de l'Atlantique à l'Oural », selon la formule célèbre, qui ne se confond pas avec l'extension géographique actuelle de l'Europe communautaire.
Les systèmes de droit en Europe
Ainsi conçu, il va de soi que le droit européen n'a jamais existé et n'existe pas davantage actuellement ; à vues humaines, on ne peut pas non plus penser qu'il prenne naissance dans un avenir prévisible. Tout au plus aurait-on pu dire, avant les profondes transformations économiques et sociales qui, parties en 1917 de l'ancien Empire des tsars, se sont étendues, après la Seconde Guerre mondiale, à un large secteur de l'Europe centrale et orientale, qu'il existait parmi les grands systèmes de droit qui se partageaient alors le monde un système continental européen, nourri au fonds commun du droit romain, dont la renaissance n'est pas à exclure depuis l'effondrement des régimes socialistes de la Russie soviétique et des pays de l'Est. On pourrait certes y distinguer, plus ou moins légitimement, une branche proprement française dont la codification napoléonienne avait étendu les ramifications dans les pays limitrophes et au nord de la Méditerranée (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Italie, Roumanie) et une branche « germanique », qui couvrait notamment l'Autriche, la Turquie et, à certains égards, la Suisse.
Mais, pour importantes qu'aient pu être les différences entre telles et telles règles du droit civil français ou allemand (par exemple, quant au rôle respectif de la volonté interne et de la déclaration de volonté dans les actes juridiques ; quant à la sauvegarde de l'équilibre des prestations et au pouvoir d'intervention du juge dans le contrat ; quant au transfert de la propriété et à la publicité foncière – et naturellement, en bien d'autres domaines) et, partant, entre les règles correspondantes des législations qui se rattachent directement à l'un ou à l'autre, l'ensemble du système de droit de l'Europe continentale présentait une profonde unité de structure, de concepts, de terminologie et de méthode. Il traduisait aussi, dans les institutions de la famille légitime, de l'appropriation individuelle des biens et de leur transmission héréditaire, de la liberté contractuelle et de la responsabilité pour faute, des conceptions philosophiques, morales et économiques de la société largement semblables, sinon rigoureusement uniformes.
Géographiquement, cependant, ce système de droit n'était pas européen. D'une part, il débordait largement l'Europe, puisque les législations d'Amérique latine s'y rattachaient étroitement. Mais, d'autre part, il ne couvrait pas toute l'Europe, car l'Angleterre était, comme elle l'est toujours, la mère et l'inspiratrice d'une autre « famille » de droits occidentaux, la common law. Or, si les fondements de la société dont la common law fournit l'armature juridique sont essentiellement les mêmes que ceux sur lesquels s'est élevé le système franco-germanique, sa structure, ses concepts et ses méthodes leur confèrent une entière originalité. Ainsi, même au xixe et au début du xxe siècle, l'unité du système[...]
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Écrit par
- Berthold GOLDMAN : professeur à l'université de Paris-II, président honoraire
- Louis VOGEL : professeur à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, directeur de l'Institut de droit comparé de Paris
Classification
Médias
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