Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DROIT INTERNATIONAL DES INVESTISSEMENTS

Le recours au contrat et l’émergence du contrat d’État

Ces insuffisances des mécanismes existant en droit international expliquent le recours à l’outil qui offre, en droit, la meilleure des protections : le contrat. Les investisseurs n’ont pu y avoir recours qu’avec l’assentiment des États, conscients que les limites de leur propre système juridique pourraient les priver de la présence indispensable d’entreprises étrangères sur leur territoire. Mais l’application des principes du droit international privé, et en particulier des critères traditionnels de rattachement, aurait dû conduire à soumettre de tels contrats aux droits des États contractants et à la compétence de ses juges. Or, c’est à cette solution que les investisseurs cherchaient précisément à échapper en raison des faiblesses qu’ils lui supposaient. C’est la raison pour laquelle les parties introduisirent, singulièrement à partir des années 1930, deux types de clauses dans leurs contrats.

Il s’agissait d’une part de clauses de droit applicable, pas toujours rédigées avec précision, mais permettant au moins de soustraire les contrats à l’application du droit de l’État contractant. Renvoyer au droit de l’État d’origine de l’investisseur eût été fort délicat sur le plan politique, d’autant qu’il n’était pas rare que cet État soit l’ancien colonisateur. Le plus souvent, une formule vague renvoyant à des « principes généraux », à des « principes juridiques » ou parfois au droit d’un État tiers, était donc retenue. D’autre part, la rédaction d’une clause de règlement des différends avait pour but d’éviter la compétence des juridictions de l’État d’accueil, les litiges sur le fondement du contrat étant confiés à des tribunaux arbitraux. L’arbitrage est historiquement une méthode éprouvée de règlement des litiges internationaux, dans laquelle les arbitres sont choisis par les parties pour leurs compétences. Ils statuent uniquement sur les questions qui leur sont posées en vertu du droit désigné par les parties.

La conjonction de ces deux dispositions a donné naissance à un phénomène de « désétatisation » – entendue comme la soustraction progressive des contrats d’investissement au droit de l’État d’accueil – ou encore d’internationalisation – qui n’est que l’autre face de la même médaille, à savoir l’ancrage progressif du contrat d’investissement dans l’ordre juridique international. Saisis en effet de litiges opposant investisseurs privés et États, dans lesquels il leur était demandé d’appliquer des principes généraux de droit, les tribunaux arbitraux ont généralement tranché les différends en appliquant le droit international, considéré comme le mieux à même de refléter les principes généraux ou les règles communes auxquels il était renvoyé. Certains tribunaux arbitraux ont même fait preuve d’un activisme farouche : saisis d’une demande sur le fondement d’un contrat soumis au droit de l’État, ils ont pu estimer que ce droit n’était pas suffisamment développé pour leur permettre de trancher le litige et, en conséquence, juger nécessaire de faire application du droit international, en lieu et place du droit pourtant choisi par les parties (pour un exemple symbolique, voir sentence Cheick d’Abu Dhabic. Petroleum Development Ltd., 1951). Autour des décennies 1960-1970 était donc née une nouvelle figure contractuelle : le « contrat d’État », entendu comme un contrat – généralement soumis au droit international et à la compétence d’un tribunal arbitral – passé entre un État et un investisseur étranger ayant pour objet une opération d’investissement.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification