INTERNATIONAL PUBLIC DROIT
L'ordre juridique international : coexistence et coopération
Moins une société est homogène, plus l'ordre juridique qu'elle produit tend à se limiter à des règles garantissant tout au plus la coexistence des êtres qui la composent. De fait, le droit international se compose principalement des règles qui doivent permettre à des États juxtaposés de mener leurs affaires sans interférence mutuelle ; droit d'une société individualiste, c'est par conséquent un droit « libéral » : le bien de chaque État n'y dépend pas d'une organisation légale de la solidarité interétatique, mais des possibilités que les autres lui reconnaissent de mener dans sa propre sphère les activités qui l'intéressent de la façon qui lui convient. La coopération, qui suppose une société plus intégrée, ne trouve sa place que dans des groupements d'États plus restreints et dès lors plus unis, et aussi, au niveau universel, dans les domaines techniques où l'attachement des États à leur indépendance cède devant les besoins d'action commune nés de leur interdépendance ; ainsi dans le cas des transports internationaux, où la réalisation par chacun de ses propres fins passe par l'aménagement de règles communes qui ne peuvent être de simple abstention.
Quand il s'agit de coexistence, les rapports entre États reposent principalement sur des règles d'abstention et, comme dans toute collectivité organisée suivant le mode libéral, sur des interdictions de faire ce qui porterait atteinte à la liberté des autres. Cet objectif discret est à la mesure des modes rudimentaires de formation du droit international général (cf. infra). Il est relativement aisé en effet de définir par accord entre États les sphères d'activité à l'intérieur desquelles chacun consent à se tenir, à condition que les autres s'abstiennent réciproquement d'intervenir dans la sienne. À ce schéma obéissent la plupart des principes fondamentaux des relations interétatiques. Ceux d'abord qui répartissent les espaces entre eux, déterminant ce qui est « territoire », c'est-à-dire espace réservé en principe à la compétence exclusive de l'État, et ce qui est espace international et, comme la haute mer, ouvert à l'utilisation de tous les États et de leurs nationaux. Mais aussi ceux qui aménagent les compétences et les pouvoirs des États, soit à l'intérieur de leur territoire, soit sans support territorial, et visent tantôt à préciser la notion de souveraineté (non-ingérence dans les affaires intérieures de l'État, non-intervention sur son territoire, etc.), tantôt à donner un contenu positif à l'autorité étatique (principes relatifs à la collation de la nationalité, aux pouvoirs de l'État sur ses nationaux et sur les étrangers). Dans tous ces cas, le contact entre les États ne dure que le temps de définir une règle à l'abri de laquelle ils pourront désormais s'ignorer mutuellement, aussi longtemps qu'ils la respecteront. Définir une règle, décider si elle est respectée : voilà deux activités qui supposent qu'on l'organise d'abord sur le mode juridique, c'est-à-dire qu'on y discerne une légalité, et qu'on puisse y confronter des conduites...
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Écrit par
- Jean COMBACAU : professeur à l'université de Paris-II (droit, économie et sciences sociales)
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