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INTERNATIONAL PUBLIC DROIT

La légalité internationale

Souveraineté et formation du droit international

Tout ordre juridique comporte un mode de formation des règles, qui peut s'organiser sur l'un de ces deux modèles : hiérarchique ou anarchique. L'ordre interne, tel que l'a constitué l'État, obéit au modèle hiérarchique ; le « droit objectif » s'y compose de normes primaires émanant de l'État, et qui traduisent les conceptions politiques de ceux qui, dans son appareil, sont investis du pouvoir de les définir. Les unes créent immédiatement des droits et des obligations au profit et à la charge des « sujets » de l'État qui, même quand ils participent indirectement à la formation de ces règles par leur pouvoir de désignation de ceux qui les posent, ont avec l'État un rapport de soumission. Les autres investissent ces sujets de « pouvoirs légaux », et les habilitent à poser, par des actes juridiques tels que le contrat, des normes secondaires qui complètent la légalité objective et ne valent normalement que dans les rapports entre ceux qui ont été associés à leur confection ; cette fois encore, les sujets sont subordonnés à l'État, et leurs stipulations ne produisent d'effets légaux que dans la mesure de leur conformité à la légalité objective qui les encadre.

L'ordre international repose sur de tout autres bases. Si en effet les États y sont légalement égaux, comme le sont les sujets du droit interne, et ne peuvent pas plus qu'eux s'imposer les uns aux autres des obligations, ils sont aussi souverains ; aucun être ne se trouve donc par rapport à eux dans la même situation que l'État par rapport aux sujets internes. Il en résulte que la collectivité internationale ignore, en tout cas sur le plan du droit, la notion de « pouvoir » et le phénomène du droit objectif, ou de la loi établie unilatéralement par un être hiérarchiquement supérieur ; en ce sens, elle est proprement « an-archique » : les stipulations de ses éléments composants y sont le seul mode de production de droit, et leur activité légale n'y est encadrée par aucune « loi » suprême. Les sujets des normes sont en même temps leurs auteurs ; situation singulière dont pourrait seule venir à bout la naissance d'un super-État que rien n'annonce, et d'où découlent deux corollaires.

En premier lieu, la collectivité internationale produit peu de règles générales liant l'ensemble de ses membres. Cela résulte immédiatement du fait que l'État ne peut être obligé que par les normes qu'il consent à subir ; il est en effet relativement aisé d'obtenir le consentement de deux États ou de quelques-uns à la création d'une norme : chacun d'eux voit dans l'acceptation d'une obligation envers les autres le seul moyen d'obtenir que les autres s'engagent réciproquement envers lui, suivant le calcul que font toujours des contractants potentiels, notamment en droit interne. Quand, en revanche, il s'agit de poser entre un grand nombre d'États, et, à la limite, entre tous, une règle ayant le même compas que la loi en droit interne, on imagine combien il est difficile d'obtenir un accord unanime. C'est pourquoi les règles de « droit international général » sont si rares et si imprécises ; toute activité normative internationale est ainsi soumise à une alternative troublante : ou bien la règle dont certains États ressentent le besoin sera universelle et vague, parce que son manque de netteté et sa faible exigence permettront seuls d'obtenir une approbation générale d'un monde divisé ; ou bien elle aura l'ambition de conditionner davantage la conduite des États, mais un petit nombre d'entre eux seulement l'acceptera.

En second lieu, la légalité internationale constitue un ensemble très faiblement différencié.[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-II (droit, économie et sciences sociales)

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