INTERNATIONAL PUBLIC DROIT
Les conduites internationales
Comme tout autre, l'ordre juridique international s'efforce d'articuler des règles et des conduites, c'est-à-dire d'obtenir que les agissements concrets de ses sujets soient conformes aux normes abstraites qu'il leur impose. Mais la normalisation de la conduite des États est imparfaite, du fait de l'inexistence d'autorités supérieures ayant le pouvoir de confronter leurs conduites aux règles, et de les contraindre à s'y conformer.
D'abord l'ordre international ne comporte pas comme l'ordre interne d'obligation de porter devant des tribunaux les contestations nées de l'application de ses règles ; pas plus qu'il ne supporterait un mode unilatéral de création de droit, il n'est compatible avec une adjudication de caractère autoritaire ; les tribunaux internationaux ne peuvent donc être saisis qu'avec le consentement des États parties à un différend, exprimé au moment où il survient ou, plus rarement, à l'avance ; et il est exceptionnel qu'ils soient appelés à résoudre les conflits, dont le sort dépend dans la très grande majorité des cas de négociations diplomatiques entre les États en cause.
Peut-on du moins compter sur des modes d'exécution forcée des obligations auxquelles les États qui y sont soumis refusent de se conformer ? Cette fois encore, la souveraineté de l'État et l'absence de pouvoir supranational qui en résulte interdisent la constitution d'une force collective apte à mettre en œuvre des mesures coercitives contre les récalcitrants. Et, faute de mieux, il appartient à chaque État, dans la mesure que précisent les règles internationales, de faire pression sur l'État dont il estime qu'il ne s'acquitte pas de ses obligations à son égard, et de déclencher lui-même des « représailles ».
Est-ce à dire que le droit international, dont nul être supérieur à ses sujets n'est garant, est un droit illusoire, livré au bon vouloir de ceux auxquels il prétend s'imposer ? Si l'on veut bien prêter attention à la réalité internationale et ne pas la concentrer sur les seules matières où les intérêts fondamentaux des États sont en cause, on constate au contraire que la très grande majorité des règles sont respectées dans la très grande majorité des cas. Non pas certes grâce aux suites légales organisées, dont la valeur d'intimidation est faible, mais par le jeu de deux mécanismes inégalement originaux. D'abord, et le droit international ne se distingue pas ici du droit interne, l'effectivité des systèmes juridiques repose principalement sur la volonté des sujets de se conformer à leurs obligations, plus que sur l'appareil légal qui peut les y contraindre. Encore faut-il qu'ils y trouvent un intérêt ; or, le droit international est tout entier fondé sur le principe de réciprocité : de même qu'il ne s'oblige, au stade de la formation des normes, que pour obtenir des autres qu'ils s'obligent à leur tour, l'État ne manque à ses obligations que dans les hypothèses où il attend plus de profit de son comportement illicite qu'il ne craint d'inconvénients de la réaction d'autres États à ce comportement ; or ceux-ci peuvent soit répliquer de façon strictement réciproque par un manquement équivalent, soit déclencher contre lui des mesures de pression, le plus souvent licites mais inamicales, qui affectent gravement ses intérêts. Le juriste a sans doute peu de chose à dire du mécanisme qui peut amener un État à se conformer à ses obligations à la suite d'un calcul du coût et du profit attendus de ses manquements éventuels ; il ne peut pas pour autant méconnaître le processus politique sur lequel repose en dernier ressort la soumission au droit.
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Écrit par
- Jean COMBACAU : professeur à l'université de Paris-II (droit, économie et sciences sociales)
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