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MUSULMAN DROIT

Droit musulman et courants de l'islam à l'heure de la mondialisation

Le rôle de l'Iran et de l'Arabie Saoudite

Le monde de la fin du xxe siècle et du début du xxie siècle a été marqué par l'irruption d'un ensemble composite de revendications, de mouvements et d'actions se réclamant de l'islam. Bien avant les attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, la fatwa promulguée par l' imam Khomeyni, en 1989, contre l'écrivain britannique Salman Rushdie, marque un tournant important dans l'évolution des courants théologiques et juridiques musulmans. En effet, cette décision – condamner l'auteur des Versets sataniques pour blasphème – est révolutionnaire du point de vue du droit musulman. Elle étend la compétence des docteurs de la loi musulmane aux citoyens d'un État laïque, situé en dehors du dar al-Islam (les territoires traditionnellement considérés comme musulmans). La fatwa de l'imam Khomeyni internationalise un système juridique jusque-là territorialisé, elle « globalise » le droit musulman, en donnant à la Loi de Dieu un statut de prééminence absolue sur les autres droits, nationaux ou internationaux.

La fatwa de l'imam Khomeyni est également une étape significative dans la compétition que se livrent l' Iran shiite et l' Arabie Saoudite sunnite, pour la direction de l'islam mondial. À partir de la révolution iranienne de 1979 et le renversement du Shah, les dirigeants des deux États font chacun la promotion mondiale du courant théologique, juridique et politique qui domine dans leur pays : du côté de l'Arabie Saoudite, un islam puritain, rigoriste, littéraliste et conservateur – un « islam de droite » pour les politologues ; du côté iranien, un islam contestataire et révolutionnaire, recherchant la prise du pouvoir d'État par la mobilisation populaire et l'action militante.

La mosquée Faysal, à Islamabad (Pakistan) - crédits : T. Kauroff/ Shutterstock

La mosquée Faysal, à Islamabad (Pakistan)

En Arabie Saoudite, la dynastie régnante des Saoud se considère comme la « gardienne des lieux saints » de l'islam. Elle se rattache idéologiquement au courant hanbalite, qui valorise la lettre du texte coranique aux dépens de son esprit. Ce courant, qui est loin de dominer intellectuellement l'islam, mais qui dispose de puissants et riches promoteurs, vit dans une contradiction qui ne l'empêche pas de prospérer : il se propose, ni plus ni moins, de refuser les accommodements engendrés par le passage du temps et les évolutions historiques, pour revenir à une période considérée comme idéale, celle du prophète, sur lequel, par ailleurs, on dispose de très peu de données historiques. Pourvues de moyens financiers exceptionnels, les autorités de l'Arabie Saoudite et du Qatar se sont lancées dans un vaste programme éducatif, en diffusant une version littéraliste et rigoriste de l'islam. Cette politique passe par la construction de mosquées, de madrasas ou d'universités islamiques, par le financement de presque tous les partis islamistes du monde, depuis l'Indonésie jusqu'à l'Algérie, et par la promotion de l'islam comme mode d'organisation de la société face à la « dépravation des mœurs occidentales ». Ce faisant, l'Arabie Saoudite – tout comme le Pakistan –, s'est trouvée en porte-à-faux, en raison de son alliance historique avec les États-Unis. La dernière guerre du Golfe a paradoxalement conduit – outre les souffrances et la guerre civile meurtrière qu'elle a provoquées –, au renforcement politique de l'islam shiite, dont l'Iran est le principal représentant étatique, aux dépens du sunnisme qu'ambitionne de diriger l'Arabie Saoudite. L'intervention américaine en Irak a finalement favorisé l'islam révolutionnaire aux dépens de l'« islam de droite », qui a pourtant les faveurs des États-Unis. Le « printemps arabe » a cependant[...]

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Destruction d'un mausolée à Tombouctou, en juillet 2012 - crédits : STR/ AFP

Destruction d'un mausolée à Tombouctou, en juillet 2012

La mosquée Faysal, à Islamabad (Pakistan) - crédits : T. Kauroff/ Shutterstock

La mosquée Faysal, à Islamabad (Pakistan)

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