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NATUREL DROIT

Critique de la conception théologique et cosmologique du droit naturel

L'attaque que la pensée moderne porte à la notion de droit naturel est fondée sur une redéfinition et une valorisation particulière de l'idée de nature et, partant, sur une conception nouvelle des rapports entre la cité et la vertu, dans la mesure où la cité n'est plus le lieu par excellence de l'accomplissement et de l'achèvement de la nature humaine en sa perfection, mais manifeste plutôt un ordre irréductible à l'ordre naturel, qui est, selon les théoriciens, soit meilleur, soit pire, en tout cas sans continuité avec lui.

La nature dissociée de la perfection

Les philosophes politiques du xviie et du xviiie siècle, convaincus que « le droit existe d'une manière immédiate et naturelle », repensent néanmoins cette nature à partir des notions de faillibilité comme chez Locke, de passion et d'affectivité comme chez Hobbes et chez Rousseau. Pour Locke, la loi naturelle trouve son expression exhaustive et parfaite dans le Nouveau Testament et garantit la paix et la conservation de tout homme, de sorte que c'est sur son modèle que doit être formulé le droit positif. Ce dernier a pour fonction de restituer dans la mesure du possible la justice originelle appartenant à la nature de l'homme avant sa corruption par le péché. Hobbes, de façon exemplaire, opère une rupture décisive avec toute problématique cosmologique et théologique. Celle-ci, en effet, se voit condamnée par lui comme la « vaine philosophie et les traditions fabuleuses » (Léviathan, xlvi). Le concept de droit naturel reçoit alors une acception nouvelle, résolument anthropologique.

L'opposition du droit naturel et de la loi naturelle

Le droit de nature et la loi de nature s'opposent exactement comme la liberté et l'obligation. Affirmation de l'individu dans sa singularité, le droit naturel correspond au pouvoir que possède chacun d'exercer sa force, sa puissance. Le désir dans sa pure spontanéité correspond au premier sens de la liberté, synonyme du droit de nature. La liberté est ainsi liberté du désir, en deçà de toute loi. Une telle liberté, seulement concevable dans l'hypothèse d'un état de nature, est le mouvement du désir, désir de vie, de jouissance, de puissance. Chacun pour vivre, pour étendre son empire, a envie de détruire l'autre. C'est la lutte à mort que chacun veut gagner à tout prix et à laquelle aucune possession ne paraît pouvoir mettre fin. Chacun paraît pour l'autre son double monstrueux, son jumeau haïssable. Ce que chacun désire, c'est le pouvoir de l'autre. Sorte « d'hydre à mille têtes », dans une multitude sans lien (De cive, II, vi, 1), chacun est prêt, pour dépasser l'autre d'une tête encore, à l'attaquer et à l'abattre. La raison calculant l'intérêt du désir innocente « la liberté de se servir... de sa force naturelle » (De cive, i, 7) et justifie le passage d'une stratégie défensive à une stratégie offensive. Puisqu'il s'agit de libido dominandi, chacun se donne le droit – et a véritablement le droit – de faire à l'autre ce que personne ne voudrait qu'on lui fît. C'est la guerre de tous contre chacun. Jouer le jeu du désir est donc à la fois inéluctable et impossible. En jouant le jeu de la vie, le désir joue avec la mort. Serait-il donc fasciné par la mort qu'il redoute pour jouer ainsi avec elle ? Mais ce jeu est dangereux. Chacun, sous prétexte de se conserver, ne cesse de risquer sa vie. Le désir se trouve pris à son propre piège, car la mort est son terme. Le droit naturel déterminé par la puissance ou le désir de chacun, en vertu du fait généralisé de conflit et d'incertitude qu'il engendre, tend au degré zéro. Hobbes rejoint Spinoza au Tractatus theologico-politicus[...]

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