ROMAIN DROIT
Caractères généraux
Des travaux classiques ont été publiés sur l'esprit du droit romain, sur la valeur de son étude ou sur la crise de l'enseignement romanistique : L'Esprit du droit romain (R. von Ihering, 1852-1855), Principes du droit romain (F. Schulz, 1934), L'Europe et le droit romain (P. Koschaker, 1947). On ne saurait ici reprendre tous ces problèmes pas plus qu'il n'est possible d'analyser toutes les institutions de droit romain, public, privé, pénal ou religieux. S'il peut paraître arbitraire de privilégier certains de ses caractères, du moins doit-on s'interroger sur les raisons profondes de son exceptionnelle importance, c'est-à-dire au fond sur ses qualités majeures.
Laïcisation et autonomie
L'un des traits les plus frappants et l'un des grands mérites du droit romain, si on le compare à beaucoup de droits antiques, résident sans doute dans sa très rapide et très complète laïcisation. Certes, comme dans toutes les sociétés peu évoluées, le droit romain fut à ses origines étroitement lié à la religion. Les plus anciennes sanctions pénales et les plus graves (sacratio) sont d'ordre religieux. Le ritualisme du procès archaïque est sans doute lié à l'usage de formules ou de gestes magiques. Le nom même de la procédure archaïque du sacramentum évoque quelque chose de sacré. Les Douze Tables contiennent encore des prescriptions sur les cérémonies des funérailles. Le droit romain est donc bien lié à ses origines à la religion. Mais, alors que dans la plupart des pays de l'Orient ancien la loi fut longtemps considérée comme donnée ou révélée par la divinité, la loi romaine, comme la loi grecque, est l'œuvre des hommes. Le plus ancien monument du droit romain, la loi des Douze Tables, fut l'œuvre d'une commission de décemvirs. La tradition veut qu'elle ait consulté la législation grecque, non qu'elle ait demandé son inspiration aux dieux. Et si le collège religieux que constituaient les pontifes fut aux origines l'interprète du droit, c'est moins parce que le droit était lié à la religion que parce que les pontifes étaient alors les seuls à pouvoir le comprendre et l'interpréter. Dès la fin du ive siècle avant J.-C., le scribe d'Appius Claudius divulguait les formules d'actions. Un siècle plus tard, des juristes laïcs donnaient des consultations.
Ainsi, au moment où les transformations de la société romaine rendaient nécessaires de profondes innovations en matière juridique, le droit avait acquis une totale autonomie. Condition nécessaire à son plein développement.
Plasticité et efficacité
Laïc, le droit romain est aussi très habile à s'adapter à l'infinie variété des situations concrètes. Et cette « plasticité » est due pour une bonne part à la nature des sources qui le créent. La lourdeur de la procédure législative, la fixité des dispositions générales et impersonnelles de la loi ne facilitent pas cette constante adaptation. La loi non seulement fixe mais fige le droit. D'où l'aversion que lui témoignaient les tenants de l'école historique du droit au xixe siècle. Or, on l'a vu, le rôle de la loi fut modeste à Rome. Les grandes sources créatrices : l'édit prétorien, la création jurisprudentielle, la législation impériale, restèrent toujours très proches de la vie quotidienne. Le préteur créant une formule d'action en justice pour protéger une situation nouvelle, le juriste consulté par un citoyen, les bureaux impériaux répondant par rescrits ou même prenant une mesure générale, souvent sur la suggestion d'un haut fonctionnaire, connaissent parfaitement les exigences du moment. Ils peuvent y répondre immédiatement et d'une façon parfaitement adéquate. Entre la lente coutume et la lourde loi, l'édit, la jurisprudence, la constitution impériale se révèlent des moyens simples,[...]
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Écrit par
- Jean GAUDEMET : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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