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ROMAIN DROIT

Survie et persistance du droit romain

On a coutume de fixer au règne de Justinien (527-565), qui fut le promoteur des grandes compilations représentant en quelque sorte la synthèse d'une longue histoire juridique, le terme de droit romain proprement dit. Au xxe siècle, il est toujours enseigné dans la plupart des universités du monde. Les droits latins et germaniques en sont profondément imprégnés. Les droits anglo-saxons en gardent des traces. Les droits socialistes ne l'ignorent pas. Dans cette histoire, on peut distinguer trois époques : l'époque de la survie (vie-xie s.), de la renaissance (au moins en Occident, xiie-xve s.) et celle de la persistance (xvie-xxe s.).

La survie

La survie du droit romain ne se présente pas de la même façon dans l'Orient byzantin et l'Occident « barbare ».

En Orient, la mort de Justinien ne mit pas un terme à l'application du droit qu'il avait fait compiler. Signe tangible de la continuité, la collection de Novelles composée sous le règne de Tibère II (578-582) reprenait cent cinquante-huit constitutions de Justinien auxquelles s'ajoutaient celles de ses successeurs immédiats. Le Code et le Digeste restèrent d'usage courant. L'importance de la législation ecclésiastique dans le Code et dans les Novelles explique l'intérêt que leur portèrent les clercs de l'Église byzantine. Des collections nouvelles, réunissant législation impériale (nomos) et canons ecclésiastiques, connues sous le nom de nomocanons, assurèrent dans l'Église orientale, dans les pays balkaniques, en Russie, en Syrie et en Éthiopie la survie du droit romain jusqu'au xxe siècle. D'autre part, à partir du viiie siècle, des ouvrages juridiques s'efforcèrent d'adapter la compilation justinienne aux besoins des praticiens. Enfin et surtout, l'empereur Léon le Sage (886-911) fit fusionner par ordre de matière ce qui dans cette compilation restait encore applicable à son époque : ce furent les Basiliques. Celles-ci firent aux xe et xie siècles l'objet de résumés à l'usage des praticiens. Des manuels furent aussi rédigés. L'un d'eux, l'Hexabiblos, formé de six livres et composé en 1345 par un juge de Thessalonique, Constantin Herménopoulos, fut l'un des agents principaux de la survie du droit romain en Orient.

En Occident, les invasions germaniques et la disparition de l' Empire romain (476) ne provoquèrent pas une disparition brutale du droit romain dont usaient depuis de longs siècles les habitants de l'Italie et des provinces.

Les Compilations justiniennes furent introduites en Italie à la demande du pape Vigile (537-555). Mais ni les écoles ni la pratique ne leur accordèrent grand crédit. Le Digeste apparut trop savant et trop complexe. Le Code eut quelque audience en Italie, mais pendant peu de temps, et il ne franchit pas les Alpes. Les Institutes, grâce à leur caractère sommaire, furent plus appréciées. On les étudia et on les glosa en Italie. Mais elles non plus ne dépassèrent pas la Péninsule. En Italie même, l'invasion lombarde porta, à la fin du vie siècle, un coup très rude à la culture romaine.

Si le droit justinien fut longtemps ignoré en Occident, la survie du droit romain pendant le haut Moyen Âge fut assurée par le Code théodosien et plus encore par la « loi romaine des Wisigoths », dite Bréviaire d'Alaric (506). Cette compilation regroupait de vastes parties du Code théodosien et deux œuvres doctrinales postclassiques, les Sententiae Pauli et un Epitome Gai. La « loi romaine des Burgondes », de son côté, reproduisait quelques textes du droit romain postclassique. Cependant, elle semble avoir perdu valeur législative peu après l'absorption par Clovis du royaume burgonde. En Gaule, donc, le droit romain, dès le début du vie siècle, n'était plus imposé par les pouvoirs étatiques.[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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