RURAL DROIT
Jusqu'au milieu du xxe siècle, les juristes eurent tout lieu d'hésiter sur la nature du droit rural. Depuis les premières lois d'orientation agricole de 1960-1962, cependant, plus aucun auteur ne soutient que le droit rural est un rameau particulier du droit privé. Certes, la connaissance du droit privé, et en premier lieu du droit civil, est indispensable à la compréhension du droit rural d'aujourd'hui, mais à partir du moment où l'administration ou les organismes investis de prérogatives de puissance publique interviennent constamment dans la vie agricole, cette connaissance ne suffit plus. La complexité de la matière apparaît bien dans les difficultés qu'éprouve la doctrine à définir la discipline et son contenu et à lui reconnaître son autonomie par rapport aux critères distinctifs traditionnels des différentes branches du droit. Les auteurs sont en désaccord sur l'appellation même de la discipline. Certains parlent de droit agraire, voire de droit agricole, tandis que d'autres préfèrent l'expression plus globale de droit rural.
Cette dernière expression correspond mieux au contenu de cette discipline aujourd'hui : un droit de l'activité agricole certes, mais aussi un droit de l'espace rural, c'est-à-dire un ensemble de règles communes aux habitants ou utilisateurs de cet espace mais qui ne vivent pas tous de l'exercice de la profession agricole. Les développements qui suivent ne traitent que de l'activité agricole proprement dite.
Si l'on veut schématiser son évolution, on peut dire que le droit rural français a connu deux grandes étapes : une première étape où ce droit apparaît comme une application particulière du droit civil au milieu rural et où transparaît une philosophie à finalité essentiellement individualiste. Cette étape commence à la Révolution et se termine à la promulgation du statut du fermage et du métayage, après la Seconde Guerre mondiale. Une deuxième étape, de 1946 à nos jours, au cours de laquelle le droit rural change de nature, perd son caractère exclusivement privatiste pour prendre la coloration d'un droit socio-économique, ou, si l'on préfère, socioprofessionnel.
Le droit rural antérieur au statut du fermage (1789-1945)
Dans cette phase historique l'expression de droit rural, désigne, comme l'a justement relevé Paul Ourliac, « la réunion des principes et usages qui servent à déterminer les droits et devoirs des propriétaires ruraux ».
Cette conception est issue de la Révolution, qui a érigé en dogme et inscrit dans la Déclaration des droits, un droit de propriété, qualifié de romain, en réaction contre le système foncier des démembrements et tenures en vigueur sous l'Ancien Régime. Dans cette perspective, tout ce qui entrave les prérogatives du propriétaire est abrogé : la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, qui constitue la première intervention du législateur en matière rurale, proclame la liberté du sol, la liberté de se clore et de se déclore, ce qui entraîne l'abolition du droit de parcours et de vaine pâture, de glanage et de grappillage. Comme le relève Marc Bloch, ce premier « Code rural » marque l'instauration de l'individualisme agraire.
C'est dans ce sillage que le xixe siècle entame son œuvre de codification. Si l'on met à part le décret de septembre 1793, pris par la Convention sur l'exploitation des terres incultes, et la tentative avortée de Napoléon de promulguer un Code rural, le seul texte qui va régir notre matière jusqu'à la législation de la Libération va être le Code civil.
Cela est très caractéristique de l'absence d'autonomie du droit rural est de son caractère statique jusqu'à la promulgation du statut du fermage.
Le droit rural du Code civil
Pour le législateur de 1804, les agriculteurs sont des citoyens[...]
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Écrit par
- Joseph HUDAULT : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, membre de l'Académie d'agriculture de France, délégué général du Comité européen de droit rural
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