RURAL DROIT
Le développement du droit rural moderne
Dans ce développement, deux étapes sont à distinguer : une première qui va du statut du fermage et du métayage (1945-1946) aux lois d'orientation agricole de 1960-1962 : au cours de cette période, le droit rural est avant tout une législation de protection ; une seconde phase, qui va des années 1960-1962 à nos jours, et dans laquelle le droit rural devient, par l'effet des circonstances économiques nouvelles, un droit d'intervention.
Le droit rural, législation de protection
C'est essentiellement le statut du fermage et du métayage, institué par l'ordonnance du 17 octobre 1945 et la loi du 13 avril 1946, qui a mis en place cette législation de protection du cultivateur en faire-valoir indirect, c'est-à-dire du cultivateur qui a pris en location les terres qu'il exploite. Cette législation, qui est une véritable révolution sociale et un abandon des principes libéraux sur lesquels reposait le Code civil, a paradoxalement deux sources d'inspiration : le programme du gouvernement de front populaire de 1936 et la législation de Vichy qui a beaucoup fait, de son côté, pour le fermier et le corporatisme rural. Par ailleurs, ce texte est une transaction entre les aspirations économiques des pays de fermage du Nord de la France et les aspirations sociales des pays de métayage du Midi.
Le droit au bail
Tout l'arsenal juridique du statut tourne autour de la protection du preneur et de son accès à la propriété du fonds. Cet arsenal est impératif, puisque ces règles de protection, qui constituent ce qu'on appelle dans un sens technique « le droit au bail », possèdent un caractère d'ordre public. Les deux règles principales de ce statut sont la durée des baux, qui est obligatoirement de 9 ans et le droit au renouvellement du bail : le preneur, sauf reprise du bailleur pour culture personnelle, pour son conjoint ou pour l'un de ses descendants, est assuré du renouvellement indéfini de son bail jusqu'à l'âge de la retraite. Il est assuré aussi de pouvoir transmettre son bail à son conjoint ou à l'un de ses descendants ayant travaillé avec lui dans l'exploitation. Il est assuré encore de pouvoir se faire indemniser par le propriétaire à la sortie du bail des plus-values et améliorations apportées au fonds et aux bâtiments pendant le cours du bail. Enfin, si le fonds est vendu, le fermier ou le métayer a un droit de préemption. Si l'on ajoute à cela que le prix du fermage est fixé par l'autorité publique par arrêté préfectoral après négociation au sein de la commission paritaire départementale des baux ruraux entre représentants syndicaux des preneurs et des bailleurs, force est de constater la très grande protection dont bénéficie le preneur.
Si les métayers et les petits fermiers sont contents parce qu'ils voient leur situation se stabiliser, les gros fermiers des régions céréalières réclament ce qu'on appelle la « propriété culturale », c'est-à-dire la reconnaissance d'un droit de propriété spécifique sur leur exploitation agricole, considérée comme une entreprise.
Le législateur s'est toujours refusé à cette reconnaissance pour des raisons politiques et des raisons de principe. C'est pourquoi l'exploitation agricole ne peut être assimilée à un fonds de commerce que le commerçant peut nantir ou vendre. L'exploitation agricole en faire-valoir indirect ne peut faire l'objet d'un nantissement ou d'une cession en bloc. La raison en est le principe de base de l'interdiction de toute cession du bail, interdiction qui constitue ainsi le point d'équilibre du statut du fermage. Cette interdiction est très forte et la rémunération d'une cession interdite (pas-de-porte) est réprimée pénalement par la loi qui prévoit des peines d'amende et même d'emprisonnement[...]
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Écrit par
- Joseph HUDAULT : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, membre de l'Académie d'agriculture de France, délégué général du Comité européen de droit rural
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