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RURAL DROIT

Un droit en profonde mutation

Le travail de l'agriculteur ne se limite plus uniquement à une tâche de production. Il consiste aussi, comme le disait Michel Debatisse en 1963, à « suivre le produit agricole le plus loin possible dans le circuit du marché », autrement dit à se livrer à une tâche de transformation et de commercialisation de sa production.

Du droit rural au droit agro-alimentaire

Dans la tradition juridique française bien établie depuis le Code de commerce de 1807, l'agriculteur qui met sur le marché « des denrées provenant de son cru » ne devient pas commerçant et l'acte qu'il accomplit est de nature civile. Sauf s'il mélange à sa production dans une trop grande proportion des produits achetés à l'extérieur, l'agriculteur qui vend un produit agricole n'accomplit pas un acte de commerce. Il en résulte que nombre d'agriculteurs s'efforcent de réunir en une seule entreprise l'ensemble d'une filière de production, de transformation et de commercialisation des produits. En raison de la finalité alimentaire dominante de la production agricole européenne et de la production agricole française en particulier, la doctrine agrariste contemporaine a tendance à qualifier d'« agro-alimentaire » le droit qui régit l'activité agricole dans les deux phases de son développement : la phase en amont, de production, qui constitue l'objet du droit agraire au sens classique du terme ; et la phase en aval, de transformation et de commercialisation des produits, qui constitue, selon une terminologie reçue, l'objet du droit agro-alimentaire.

Cette terminologie n'est satisfaisante qu'en partie. Elle ne rend pas compte, en effet, des débouchés industriels récents de la production agricole, tels le maïs qui sert à la fabrication des matières plastiques, le colza à l'élaboration d'une huile de combustion pour les moteurs, ou le blé et quelques céréales voisines à la fabrication de l'éthanol. Mais elle a donné l'occasion au législateur d'élaborer une définition juridique de l'activité agricole et d'étendre aux agriculteurs individuels les procédures collectives réservées jusque-là aux seules entreprises commerciales et artisanales, et aux seules exploitations agricoles qui avaient un support juridique sociétaire.

La définition juridique de l'activité agricole

La loi du 30 décembre 1988 dite « d'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social » a donné pour la première fois une définition légale de l'activité agricole. Il s'agit d'une présomption d'agrarité qui répute « agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation » (art. L. 311-1 du Code rural). Cette définition très large, malgré ses imperfections, met un terme à un certain nombre de difficultés, même si elle ne résout pas tous les problèmes. Elle permet d'abord d'étendre le régime de la faillite aux agriculteurs qui se livraient à des activités d'élevage industriel et de productions hors sol que la jurisprudence de la Cour de cassation avait rejetés dans la sphère du droit commercial. Elle encourage ensuite la diversification des activités agricoles, permettant des pratiques comme la « ferme auberge » qui donnent utilement à des agriculteurs qui en ont besoin la possibilité de compléter leur revenu. Elle permet enfin d'ouvrir une piste pour insérer l'agriculteur dans de nouvelles fonctions qui concernent le droit de l'environnement, notamment la conservation[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, membre de l'Académie d'agriculture de France, délégué général du Comité européen de droit rural

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