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DROIT Théorie et philosophie

Le droit subjectif

Le droit subjectif, on l'a dit, est la prérogative conférée à une personne par le droit objectif. Par exemple, un individu, personne physique ou personne morale, est propriétaire d'un bien corporel, ou il est créancier d'un autre qui lui doit une prestation en argent ou en service ; l'auteur d'une œuvre artistique ou littéraire a, sur cette œuvre, des droits moraux et des droits pécuniaires ; les père et mère ont sur leurs enfants mineurs un droit d'autorité ; l'ouvrier a le droit de faire grève, etc. Cependant, la notion de droit subjectif est ambiguë ; certains même la rejettent comme fausse, à tout le moins comme superflue. C'est pourquoi il convient, au préalable, de rechercher en quels termes se pose le problème du droit subjectif, après quoi on présentera une définition de la notion, puis une classification des droits subjectifs. Quant à l'exercice ou au mode d'exercice des droits subjectifs, question qui fait partie de la matière, il en a été traité.

Problématique du droit subjectif

Une première confusion à éviter est celle qui résulterait d'un déplacement, sur le terrain de la philosophie sociale et politique, du concept de droit subjectif interprété comme la traduction ou l'écho d'une théorie des droits naturels de l'individu (Villey). Perspective évidemment fausse en tant qu'elle néglige la nature à la fois individuelle et sociale de l'homme. Mais il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'opposer, à un droit subjectif de tendance libérale individualiste, un droit objectif de tendance sociale ou socialiste. Les doctrines sociales sont hors de cause. Le droit subjectif est pris dans le cadre du droit objectif, en dépendance de celui-ci, étant entendu, selon notre définition initiale, que le droit objectif est le droit positif, et non point le droit naturel. En un mot, le droit subjectif reste la prérogative créée et consacrée par le droit positif, dans les limites, sous les conditions et, éventuellement, les charges prévues par le droit positif.

On ne nie point pour autant la légitimité d'une projection du droit subjectif sur un autre plan, qui serait celui de la morale ou du droit naturel, ni même le devoir qui pourrait incomber au juriste, dans sa tâche propre d'élaboration du droit, de faire passer ces droits subjectifs, moraux ou naturels, au rang des droits protégés par la loi positive. En attendant ce passage au plan de la « juridicité » positive, de tels droits, juridiquement, n'existent pas.

Même envisagée dans le cadre du droit positif, la notion de droit subjectif a trouvé des contradicteurs.

Pour Duguit, le droit subjectif est un concept métaphysique, en ce qu'il impliquerait une supériorité de volonté du titulaire de ce prétendu droit sur la volonté de l'individu ou des individus tenus de le respecter. À ce concept, qu'il récuse au nom de la « science positive », Duguit substitue celui de « situation juridique », les individus étant situés par rapport à la règle soit activement, soit passivement. Ces « situations juridiques » seraient de deux espèces : d'une part, les « situations juridiques objectives », ainsi les situations d'époux, d'enfant légitime ou naturel, de propriétaire, de citoyen, etc. ; d'autre part, les « situations juridiques subjectives », ainsi les situations des personnes liées l'une vis-à-vis de l'autre par un contrat.

Pour Kelsen, ce qu'on nomme le droit subjectif n'est que l'effet réflexe de l'obligation juridique, de l'individu ou des individus, de se conduire à l'égard d'un autre individu de telle façon déterminée par la règle de droit (Théorie pure du droit, trad. C. Eisenmann, p. 173). Le droit subjectif n'apparaît qu'avec le pouvoir, conféré par l'ordre juridique à celui[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie royale de Belgique, doyen émérite de la faculté de droit de Louvain

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