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ROMANO-GERMANIQUES DROITS

La codification

L'évolution ne s'est pas arrêtée là. Au siècle des Lumières, un courant doctrinal puissant – l'école du droit naturel – a demandé que l'on mette fin à la diversité et à la barbarie des coutumes, en établissant dans toutes les nations un droit conforme à la raison et à l'ordre même de la nature. La technique recommandée à cette fin fut la codification qui, après diverses tentatives faites ici et là, fut réalisée en France, sur une vaste échelle, sous le Consulat et sous l'Empire. À l'image de la France, les différentes nations ont adhéré, au cours du xixe siècle, à cette formule de la codification, qui est à présent regardée comme une des caractéristiques des droits de la famille romano-germanique, malgré son établissement assez récent.

La codification a eu, et elle conserve, de grands mérites. Elle a permis, lorsqu'elle est intervenue, de renouveler les solutions du droit, dans la mesure où la chose paraissait opportune, et de l'unifier au sein de chaque nation ; elle a permis aussi de simplifier la recherche en matière juridique en présentant les règles selon un ordre systématique facile à comprendre et en privant de valeur les règles qui n'avaient pas été retenues par le codificateur. Cette simplification a favorisé l'expansion des droits romanistes dans le monde ; de nombreux pays extra-européens, désireux de s'occidentaliser, ont modernisé leurs droits, au moins dans certaines de leurs branches, en adoptant des codes étroitement inspirés des codes du continent européen.

En regard de ces avantages, la codification a eu cependant deux conséquences fâcheuses.

En premier lieu, elle a détruit, au moins pour un temps, le sentiment d'unité qui existait parmi les juristes de l'Europe. Au lieu d'enseigner « le droit », on a désormais enseigné, dans les universités de chaque pays, « le droit national ». La science juridique s'est mise au service des praticiens, et elle a renoncé à assumer la mission qu'elle avait jusqu'alors définie comme étant la sienne, à savoir de proposer aux juristes un modèle pour une organisation juste de la société. L'on tend à revenir pourtant, de nos jours, à la tradition, par un élargissement des programmes des universités, et grâce, en particulier, au développement des études de droit comparé.

En second lieu, la codification, étant dans les divers pays l'œuvre du législateur, a conduit à une transformation des idées concernant les rapports entre le droit et la loi. La loi, jusqu'alors, n'avait eu qu'un rôle modeste ; le législateur apportait de simples retouches, des adjonctions, des aménagements à un droit qui existait en dehors de lui et qui lui était jugé, dans son principe, supérieur. La codification, elle, représente une œuvre compréhensive de réforme ; le législateur y considère le droit dans son ensemble pour dire ce que, à l'avenir, il doit être. L'idée qui préside à la codification semble bien avoir été d'exposer, systématiquement, les règles d'un droit rationnel et empreint de justice, devant lequel le législateur n'avait qu'à s'incliner. On n'a pas entendu consacrer la toute-puissance du législateur ; on n'en a pas moins créé l'apparence que le droit se confondait avec la volonté du législateur ; les marxistes reprendront cette idée et, la poussant à l'extrême, ils professeront que le droit exprime la volonté de la classe dominante, et qu'il est un simple aspect de la politique. De nombreux juristes non marxistes, dans les pays de la famille romano-germanique, partageant cette vue, en concluront que le juriste n'a, comme tel, à se préoccuper ni de morale ni de justice. La manière dont les lois sont appliquées, cependant, ne doit pas être perdue de vue ; sous le couvert d'une prétendue interprétation, de larges possibilités demeurent ouvertes aux juges et aux juristes pour participer à l'œuvre[...]

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  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

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